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européennes. À la distance où nous sommes de la Californie, il est difficile de savoir quel sera le rapport entre la demande des consommateurs pour les marchandises européennes et l’approvisionnent de nos produits ; mais il ne faut pas perdre de vue avec quelle facilité ceux qui font rapidement fortune se livrent à des habitudes de luxe. La population indigène surtout, qui, pendant l’année 1848 et les premiers mois de 1849, aura sans aucun doute amassé des sommes considérables en métal et en poudre d’or, et pour qui la valeur des métaux précieux n’existe que relativement à la peine, de les acquérir, sera certainement tentée de payer des prix considérables pour les objets d’exportation de l’industrie française. Cependant ce qui devrait un peu refroidir l’ardeur de la spéculation, surtout en Europe, c’est l’incertitude où l’on est encore sur la possibilité de faire régner l’ordre et respecter les lois dans cette population si mêlée des chercheurs d’or. Quelle protection trouveront nos émigrans et même nos commerçans au milieu d’une semblable population livrée à elle-même ? Déjà les officiers américains se plaignent à leur gouvernement de leur impuissance. Bien que le territoire de la Californie soit de fait réuni à l’Union américaine toujours est-il que jusqu’ici aucune constitution n’a été donnée à ce pays, et qu’aucune autorité n’y commande et n’y est respectée. À Washington, on a discuté dans le congrès l’admission de la Californie dans l’Union avec le rang d’état, une commission même a été nommé pour examiner la question ; mais il paraît que cette admission serait contraire à la constitution, parce que le nouveau territoire n’a pas encore de lois régulières. Il est donc probable que, pendant long-temps encore, la Californie sera privée d’un gouvernement fort et d’une police qui puisse assurer l’ordre public. Les dernières nouvelles reçues à New-York de la Californie annonçaient que des crimes avaient eu lieu, et sans doute les vols et les assassinats se multiplieront à mesure que les émigrans afflueront de tous côtés.

Le port de San-Francisco, qui est le plus voisin de la région principale des mines d’or, était, il y a un an encore, un des endroits les moins peuplés de la Haute-Californie. La Californie faisait partie de cette ancienne province située au nord ouest du Mexique, connue sous le nom de Nouvelle-Espagne ; elle se divise en Vieille où Basse-Californie, et Nouvelle ou Haute-Californie. La Vieille-Californie est formée par une presqu’île d’environ deux cents lieues de longueur sur une largeur de quinze à cinquante lieues, qui s’étend entre l’Océan Pacifique et le golfe de la Californie où Mer Vermeille. C’est un pays d’un aspect rude et désert, dont l’ancienne capitale, Loretto, est en décadence. Le seul commerce de cette province consiste en vivres pour navires baleiniers qui viennent s’y ravitailler ; quelques Indiens et