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séances bien employées ! La belle loi qu’on aura quand on aura refait celle qu’on a défaite ! Puisqu’il y a cependant un conseil d’état, encore faut-il le présider, quel qu’il soit, et n’importe comment : après cela, ce président serait expert en jurisprudence administrative que la chose n’en irait pas plus mal. M. Louis Bonaparte ayant proposé au choix de l’assemblée M. Boulay, M. Baraguay d’Hilliers et M. Vivien, M. Vivien pouvait paraître élu par destination ; mais il est des gens qui prétendent que M. Vivien aurait dû se couper la main plutôt que de se condamner à la porter sur cet ancien conseil d’état où il avait rendu tant de services et il en est beaucoup, une foule, qui affirmaient que, M. Boulay étant l’ami du prince, cela valait mieux dans l’occasion présente que d’être un jurisconsulte. Cette foule-là campait surtout à la gauche de l’assemblée ; la droite n’a pas voulu qu’on se targuât d’être plus agréable au président qu’elle-même, et M. Boulay a passé du premier coup. Dans une allocution d’un à-propos parfait, il a su relever jusqu’à la dignité d’un acte politique cet acte de complaisance intime dont il était l’objet particulier ; au fond, pourquoi ne serait-ce pas aussi là de la politique ? on en peut mettre à tout. M. Boulay d’ailleurs n’est pas une personne à qui les titres manquent, et si le président ne les a pas voulus plus éclatans, n’est-il pas bon, en somme, qu’on ne puisse point, du second rang, faire éclipse au premier ?

Frustrée dans sa tentative de flatteries et de caresses bonapartistes, l’intrigue parlementaire s’est réfugiée sur un double terrain : elle s’est adressée à un sentiment bien naturel dans une grande assemblée, au besoin de durée qui en fait la force et quelquefois l’erreur ; elle s’est armée du désir le plus vif dans un pays obéré, du cri public en faveur des économies financières. Elle a joué sur deux cartes : le rapport de M. Grévy au sujet de la proposition de M. Rateau, le rapport de M. Dezeimeris au sujet de l’interversion des budgets proposée par M. Billault. Ces deux cartes ont tourné contre elle à deux jours de distance. 416 voix contre 405 ont rejeté les conclusions de M. Grévy, qui n’entendait fixer aucune espèce de terme à la durée de l’assemblée ; ni les orages suscités par les pétitions où l’on sollicite avec ardeur l’avènement de la législative, ni la remarquable faconde de M. Favre, ni l’influence perfide du scrutin secret, n’ont pu entraîner l’assemblée nationale à voter elle-même son immortalité. La passion radicale avec laquelle M. Grévy avait écrasé les propositions Pagnerre et autres sous le même anathème que la proposition Rateau a justement dégoûté les plus raisonnables de le suivre. Même échec dans l’arène financière : on y a mis trop d’acharnement. M. Billault ne voulait plus ni impôts, ni dépenses, rien que des économes ; M. Billault combattait le projet d’impôt sur les successions et donations ; Chavoix allait jusqu’à rendre les 45 centimes ; 78 montagnards détrônaient le comité des finances au profit d’une commission nommée par les bureaux pour examiner ou pour établir le budget : ils n’étaient sûrs ni de leur mot ni de leur droit. M Billault derechef demandait à régler préalablement le budget des recettes pour obliger Ie gouvernement à y proportionner ensuite les dépenses, comme s’il n’y avait pas toujours dans un état les dépenses irréductibles et les dépenses indispensables. M. Dezeimeris établissait, par deux rapports, que M. Billault était un grand citoyen. M. Billault a vainement aujourd’hui étalé à tribune, pour toute invention économique, le fameux plan administratif fameux journal ; M. Passy l’avait confondu d’avance les chiffres à la main. Sept voix de majorité ont encore raffermi l’existence du ministère et le bon