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d’ouvrir à leurs frais le canal de Dunkerque au canal maritime de Bruges à Ostende. En 1666, la basse Colme était rendue navigable de Bergues à Furnes, et le canal de Bourbourg établissait entre Dunkerque et Saint-Omer une communication directe et défendue des atteintes de l’ennemi par les lignes de Bergues et de la Colme. En 1714, Louis XIV, ployé, mais non pas abattu sous les coups de la fortune cherchait à atténuer les humiliations du traité d’Utrecht en faisant creuser, au travers des remparts abattus de Dunkerque, le canal maritime de Mardyck, ébauché en 1645. Enfin, en 1802, une compagnie dirigée par M. de Buyser portait à cinq, en rouvrant le canal des Moëres, le nombre des lignes de navigation intérieure qui s’épanchent à mer basse dans le port de Dunkerque.

C’est ainsi que s’est formé le réseau navigable des principales artères du desséchement des terres basses de l’arrondissement de Dunkerque. L’Aa compris, la longueur de ces canaux est de 102 kilomètres ; l’étendue des watteringues étant de 38,881 hectares, le kilomètre de canal correspond à une surface de 381 hectares. Il faudrait aller en Hollande pour trouver un territoire égal aussi parfaitement desservi.

L’ouverture de ces grands émissaires était la première condition de l’assainissement et de la mise en culture du pays, mais elle était bien loin de les assurer complètement. Des miasmes, dont le foyer était dans tous les champs, ne pouvaient être vaincus que par un système d’égouttement auquel n’échappât aucune parcelle du sol ; l’application de ce système exigeait l’immobilisation d’un capital énorme, l’emploi d’une multitude de bras, et l’insalubrité, ôtant à la terre sa valeur et à l’homme sa capacité de travail, retenait la population dans un cercle vicieux. Ces effets sont marqués à chaque page de l’histoire locale. En 1666, par exemple, le pays était ravagé par une épidémie qui, du milieu de mai à la fin d’octobre, enlevait dans la seule ville de Dunkerque trois mille personnes. En 1699, les garnisons de Furnes, qui nous appartenait alors, et de Bergues ne se soutenaient contre l’infection des Moëres qu’à l’aide d’une haute paie. En 1764, la campagne était encore presque entièrement inculte entre Dunkerque et Gravelines, et les troupes marchaient au travers sur plusieurs colonnes, comme aujourd’hui dans la plaine de la Métidja. Ces campagnes, naguère couvertes d’herbes marécageuses et parsemées d’habitans valétudinaires, sont à cette heure au nombre des plus florissantes de l’Europe. Ce résultat est principalement dû à l’administration des watteringues. Formée de la réunion des syndicats des propriétaires de terres basses, cette administration pourvoit à l’évacuation des eaux, et fonde les garanties de la salubrité publique sur la solidarité de tous les intérêts privés qui se rattachent à la culture ou à la propriété. Nous n’avons que des notions confuses sur le régime des watteringues avant le XVIIe siècle ; il a été régularisé en 1699, et l’organisation actuelle,