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valent ceux d’alors ; ils ne courraient pas avec moins d’ardeur ces fêtes du travail et du véritable amour de la patrie, et, sur cette côte, on ne serait embarrassé que du choix entre les entreprises d’utilité publique à confier à leurs bras. Nous ne savons cependant que nous consumer en dépenses stériles. Est-ce la faute des hommes qui devraient nous diriger, ou celle d’institutions dans lesquelles la discussion ne laisse plus de place à l’action ?

Louis XIV revit encore Dunkerque en 1677 et en 1680 ; il était alors au faîte de ses grandeurs. Les années qui suivirent furent pour la ville aussi glorieuses que prospères ; chacune lui apportait un nouveau degré de force ; ses fortifications s’étendaient, son port s’approfondissait, ses marins l’enrichissaient par leurs prises ; les plus brillans exploits de Jean Bart sont de 1690. Plus heureuse que Dieppe, la ville repoussait, en 1694 et en 1695, les attaques des Anglais, et la guerre qui se termina à Ryswick en 1697 lui rapportait pour 22,167,000 livres de prises. La paix ne fut guère moins favorable à son commerce, et la guerre de la succession s’ouvrit pour elle sous les plus heureux auspices. Jean Bart et le chevalier de Forbin, qui commandaient l’escadre de Dunkerque, battirent l’ennemi dans toutes les rencontres, et les corsaires s’élançant sur leurs traces portèrent la terreur dans la Manche et la mer du Nord. En 1707, le commerce de Dunkerque armait de 584 pièces de canon 28 de ses propres navires ; en 1711, il garnissait de 232 canons 6 vaisseaux que lui prêtait le roi, et envoyait en outre en course 40 bâtimens légers ; enfin, à l’ouverture des négociations du traité d’Utrecht, la marine de Dunkerque avait fait, depuis le commencement de la guerre, 1614 prises, d’une valeur totale de 30,500,000 livres ; mais ces titres de gloire qu’acquérait une ville, les revers de nos armées de terre les changeaient en titres de proscription. La bataille de Ramillies, perdue le 6 mai 1706 par le maréchal de Villeroy, fut le début d’un long enchaînement de malheurs. Suivi de près par Marlborough, il se jeta dans Dunkerque, et, les travaux du camp retranché, plusieurs fois recommandé par Vauban, n’avançant pas à son gré, il voulut inonder la campagne. Vauban lui-même accourut à temps pour l’en empêcher et fit exécuter le camp, dont l’avantage n’était pas à ses yeux moins démonstratif qu’une proposition de géométrie. Ce grand ouvrage, que le canal de Bergues partageait par le milieu, occupait une surface de 400 hectares ; il était appuyé sur la place, sur le fort Louis, sur le canal des Moëres et sur celui de Bourbourg, et n’était attaquable que par des points sujets à une submersion immédiate. Marlborough comprit que ce n’était point par un siége qu’on viendrait à bout de Dunkerque, et changea la direction des opérations qui avaient suivi la bataille de Ramillies. Lille tomba le 23 octobre 1709 entre les mains des alliés, et des conférences pour la paix furent ouvertes à La Haye ; mais les Anglais,