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viande et de pain. La banque proudhonnienne n’est pas une concurrence médiocre pour la rente phalanstérienne : indé iræ ! nous reconnaissons cependant que toutes les colères de la montagne ne sont pas aussi terrestres. Un des grands objets de son courroux, c’est, pour le moment, la condamnation des assassins du général Bréa ; les feuilles rouges les plus respectables parlent des juges comme en parlait cet enfant barbare et maniaque qui leur renvoyait le nom d’assassins. Les représentans de la montagne ne tarderont pas sans doute à s’émouvoir en faveur de ces intéressantes victimes ; en attendant, ils déposent pétitions sur pétitions sous prétexte que les paysans songent à réclamer le milliard des émigrés, comme leurs journaux voudraient nous persuader qu’il est en France de petits bourgeois et de grands bourgeois. Laissez-les faire : ils nous rendraient bientôt le moyen-âge pour première étape, sauf à nous ramener pour la seconde dans un Eldorado digne des Caraïbes.

L’Angleterre assiste de haut à ce spectacle que nous lui donnons et que nous payons. Le parlement anglais s’est ouvert, l’adresse s’est discutée selon l’imperturbable régularité de ces belles formes constitutionnelles que nos voisins sont si justement fiers de posséder intactes. Le principal effort de l’opposition a été dirigé contre lord Palmerston, qui s’en est tiré avec le sans-gêne de sa manière ironique et agressive. Sa politique extérieure lui a valu plus d’une critique qui néanmoins aurait porté plus juste, si la paix, au bout du compte, n’avait pas été maintenue même à travers les plus difficiles circonstances. Lord Palmerston, signalé durant toute sa carrière comme un brouillon belliqueux, s’est présenté cette fois, aux yeux de son pays, comme un pacificateur en travail d’une triple médiation : médiation danoise, médiation piémontaise, médiation sicilienne.

Quant à celle-ci en particulier, nos dernières nouvelles de Naples annoncent qu’elle suit activement son cours. On espère que l’intervention commune de la France et de l’Angleterre finira par amener une conclusion raisonnable. Le résultat le plus à désirer serait un arrangement qui reliât de nouveau la Sicile à Naples, mais sous la garantie des deux puissances médiatrices. La France doit désirer pour elle-même que la Sicile ne soit point placée par une vaine indépendance dans une situation faible et précaire qui la forcerait bientôt de demander à l’Angleterre un protectorat dont les conditions sont bien connues. L’union seule de la Sicile à Naples peut prévenir ce danger. Cette union, d’autre part, ne saurait durer qu’en assurant à la Sicile les libertés civiles et les améliorations administratives auxquelles elle a droit. Une conquête violente, comme l’eut été celle qui s’est interrompue l’année dernière devant la résolution de l’amiral Baudin, eût aliéné à tout jamais les esprits des Siciliens. Il est à souhaiter que ces esprits se calment. Encore aigris par le souvenir des maux passés, exaltés par le vertige des premiers succès de la révolution, les Siciliens ne peuvent revenir tout de suite à une appréciation plus saine de leurs intérêts. Les choses marchent néanmoins dans une voie plus favorable ; il ne parait pas que le roi Ferdinand se décide à recommencer les hostilités, et l’action de lord Palmerston, que l’on a toujours lieu de ne pas supposer très conciliante dans une affaire où il y a tant à gagner pour l’Angleterre, l’action secrète du Foreign Office serait à présent très contrariée par le mouvement de l’opinion publique, qui prend enfin, de l’autre côté du détroit une pente plus honorable. C’est le moment où jamais d’une pression française sur toute la question sicilienne et cependant combien d’autres questions à vider dans cette mal-