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ERLOFF.

Ah ! pourquoi ? elle est stupide.

MADELEINE.

Je ne le conteste point ; mais je l’invite toujours à cause de sa petite fille, Bertha, qui est un amour… Partez, messieurs ; à bientôt… Deux mots, comte Jean, s’il vous plaît. (Erloff, Shelield et d’Estival sortent.)


MADELEINE, LE COMTE JEAN.
MADELEINE.

Vous êtes impoli, vous ! Qu’est-ce que c’est que cette lettre qui vous occupe tant ?

LE COMTE JEAN.

Rien… une affaire… une niaiserie…

MADELEINE.

Une niaiserie qui vous fait passer par toutes les couleurs du prisme en cinq minutes est une niaiserie que je serais curieuse de connaître.

LE COMTE JEAN.

Vous plaisantez, Madeleine ?

MADELEINE.

Jamais, quand je parle sérieusement. Ça me regarde, cette lettre ?

LE COMTE JEAN.

Pas le moins du monde.

MADELEINE.

Votre parole ?

LE COMTE JEAN.

Pourquoi diantre voulez-vous que cette lettre vous regarde ?

MADELEINE.

Vous m’ennuyez. Montrez-la-moi.

LE COMTE JEAN.

Vous y tenez ?

MADELEINE.

Vous voyez bien que non. Donnez, donnez donc ! (Elle frappe du pied avec colère.)

LE COMTE JEAN.

Vous n’y comprendrez rien. Laissez-moi au moins vous en faire la préface. Cette lettre est d’un cousin à moi dont je vous ai parlé autrefois, vous savez, celui que je n’ai jamais pu vous amener… Il y a trois ans, je me trouvai avec lui en Silésie, entre deux montagnes, dans un vieux château où se mourait ma grand’tante, qui m’avait élevé et que j’aimais tendrement. Je passai là deux mois à peu près seul avec ce garçon ; nous courions les bois ensemble, divaguant sur des sujets intimes. Pour être juste, il me plut.

MADELEINE.

C’est bon. La lettre !

LE COMTE JEAN.

Nous étions fort liés, enfin… Depuis, il m’a tout-à-fait planté là.