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par le régime de juillet. Un système où le pouvoir devait constamment se tenir l’arme au bras, et où les intérêts les plus fondamentaux de la politique dépendaient à chaque instant, dans la rue, d’un caprice des gardes nationales, et, dans les chambres, des calculs d’une opposition dont tous les efforts ne tendaient qu’à créer des embarras au ministère, ce système était déjà, d’après M. Duchâtel, dans des conditions anormales, et c’était là un sujet fréquent de dissidence entre l’ancien ministre de l’intérieur et son collègue des affaires étrangères. M. Guizot avait une foi profonde dans la discussion ; M. Duchâtel n’y voyait qu’une nécessité fâcheuse. Le premier eût volontiers gouverné à la tribune ; le second, bien qu’il n’eût pas personnellement à se plaindre de la tribune, s’irritait tout haut de cette tendance et la taxait de légèreté. M. Duchâtel croyait cependant ; vers la fin de la monarchie, que les opinions constitutionnelles étaient assez disciplinées pour supporter l’épreuve d’un changement de règne. L’impopularité croissante qui, dans tous les degrés du système électoral, semblait frapper les partis extrêmes, lui inspirait à cet égard une confiance aveugle. De là ses répugnances pour une réforme qui eût pu déranger l’équilibre de la situation et placer le gouvernement, au moment même du danger, en face de l’inconnu. M. Duchâtel admet d’ailleurs tout le premier que le système électoral de 1830 avait le défaut de créer « une liste permanente de solliciteurs ; » mais l’adjonction des capacités n’eût fait, selon lui, qu’agrandir le mal. M. Duchâtel eût préféré une réformé à la fois plus large et plus restrictive : plus d’autorité en haut par l’affaiblissement de l’initiative parlementaire, plus de liberté et moins de froissement en bas par le relâchement de la centralisation. M. Duchâtel s’est en effet épris de la décentralisation anglaise, et regrette vivement qu’elle ne soit pas entièrement praticable en France. En Angleterre, tous les travaux d’utilité publique se font sans le concours de l’état, par des compagnies qui se remboursent au moyen de péages, ce qui serait doublement impossible en France dans la situation actuelle des fortunes et des mœurs. L’état est donc obligé chez nous de tout faire, et il aggrave sa responsabilité en ne faisant rien avec mesure. Parce que les gouvernemens antérieurs à 1830 avaient complètement négligé les voies de communication, le gouvernement de juillet s’est laissé entraîner à les créer toutes à la fois, et qu’est-il arrivé ? Les centimes départementaux et communaux ont atteint presque partout le niveau du principal des contributions. La masse des contribuables, qui règle ses sympathies et ses antipathies politiques sur la quittance du percepteur, s’est prise au gouvernement d’un surcroît d’impôts qui provenait uniquement de l’impuissance des départemens, des communes et des particuliers, et dont elle n’appréciait pas immédiatement les compensations matérielles ; la presse opposante a encouragé