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est faux, dit-il, l’application est forcément absurde et impuissante ; » t comme il n’y a de vrai, selon lui, que le principe d’autorité, il dénie toute viabilité au mouvement révolutionnaire. Quand on lui objecte la loi du progrès, il sourit d’un air parfaitement incrédule. « Le progrès politique, dit-il, suit un cercle, plus il marche, plus il se rapproche du point de départ. » D’après M. de Metternich, par exemple, la république de février est destinée à reproduire, au milieu de l’universel rapetissement des hommes et des choses, le cycle de l’ancienne ; 48 n’est pour lui qu’un 1793 regardé par le gros bout de la lorgnette, et, comme il croit apercevoir un 1814 dans le lointain, il voyait venir volontiers le Bonaparte d’une révolution qui a déjà usé dans Lamartine son Mirabeau, dans Ledru-Rollin son Danton, dans Marrat son Péthion, et dans Proudhon son Babeuf. Le mouvement qui bouleverse la France et l’Europe n’est, selon le diplomate autrichien, qu’une oscillation inévitable et finale de la société, qui, un moment tenue en arrêt par le système constitutionnel, continue jusqu’au bout l’expérience révolutionnaire pour revenir de là, et définitivement cette fois, au dogme de l’autorité. Il arrive ici à M. de Metternich de deviner à son insu un pressentiment de De Maistre, dont il partage d’ailleurs complètement la théorie providentielle. De Maistre, dans des lettres encore inédites qu’il écrivait sous la restauration, revient fréquemment sur cette idée, que la première révolution n’avait châtié que les classes élevées, et qu’un nouveau bouleversement se chargerait tôt ou tard d’étendre le châtiment et la désillusion au peuple, pour qui tout avait été profit dans les bouleversemens antérieurs. Ne croirait-on pas lire dans cette étrange et sombre prophétie ? M. de Metternich pense que l’expiation s’adresse cette fois aux rois aussi bien qu’aux peuples. Ceux-ci y perdront l’esprit de révolte, ceux-là l’esprit de faiblesse, car ils auront chèrement appris ce qu’il leur en coûte de transiger sur leurs droits. La papauté elle-même, disait-il bien avant qu’on pût prévoir l’ingratitude de la révolution de Rome, la papauté qui, un moment, a courbé la tête devant les avances hypocrites et moqueuses de l’esprit libéral, sortira forte et épurée, « peut-être par le martyre, » de cette épreuve suprême, et un jour viendra, écrit M. de Metternich, où, sur les ruines éparses de la révolution européenne, la théocratie donnera de nouveau la main à la légitimité. Reste à savoir si la liberté ne s’avisera pas de mettre opposition au mariage.

L’absolutisme n’est pas seulement une foi pour M. de Metternich, c’est aussi, à ses yeux, le système de gouvernement le plus pratique, celui qui se prête le plus facilement aux variations de la société, avantage que n’ont pas, dit-il, les régimes à constitutions écrites, à formules préconçues. Un code à priori reflète forcément, selon lui, soit les réminiscences d’un autre temps ou d’un autre pays, soit les théories