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l’histoire de l’église est un perpétuel enfantement d’idées et de vertus nouvelles, un développement successif des dogmes de l’église primitive, un commentaire incessamment perfectionné de la morale angélique, le plus magnifique exemple de ce progrès de la pensée, que l’église d’à présent tient pour son ennemi. Eh quoi ! parce que, s’étant oubliée un jour dans un commode repos, elle a laissé passer son initiative aux mains de la société laïque, s’obstinera-t-elle à se proclamer immobile et croira-t-elle assurer son éternité en s’isolant toujours davantage ? Le malheur serait grand, car les circonstances actuelles, l’agitation des choses et des hommes, le besoin de croire plus pressant que jamais, lui ouvrent dans la démocratie nouvelle un chemin sûr, où elle ne pourrait pas refuser d’entrer sans manquer entièrement à sa destinée. Qu’elle se lève donc et qu’elle marche, puisque la vieille église marchait. C’est l’erreur fatale de ceux qui la défendent aujourd’hui par la presse de travailler à l’endurcir dans une sainte terreur du progrès intellectuel, et de créer une sorte d’intimidation autour de ceux qui éprouveraient dans son sein le désir de lui rendre quelque jeunesse. Cette idée d’un rajeunissement de l’église perce pourtant par intervalles, en dépit de tant d’entraves, et, si ce n’était que les fonctions ecclésiastiques n’offrent plus assez d’attrait pour les grandes ambitions et les vastes intelligences, ce vœu de quelques natures vives et pénétrantes aurait déjà porté des fruits. On se rappelle surtout la courte, mais profonde ferveur qui entraînait, il y a plusieurs années, beaucoup de jeunes esprits à la suite de deux prédicateurs éminens. Qui ne voit, sous l’impression de nos révolutions récentes, combien l’élan religieux aurait aujourd’hui plus d’ensemble et d’ardeur, si l’église voulait y répondre, et si, en se conformant aux traditions de sa primitive histoire, elle consentait à marcher avec la pensée humaine ?

En résumé, le devoir qui incombe à notre époque exige des vertus dont elle semble avoir perdu l’habitude ; il exige plus de simplicité et plus de hardiesse intellectuelle, plus de désintéressement politique que nous ne sommes accoutumés à en rencontrer dans notre société nouvelle. Ni le pays, ni l’université, ni l’église ne nous fournit en bien grand nombre les caractères fermes et dévoués qui seraient nécessaires à une pareille tâche. Quelques-uns étaient nés peut-être avec une nature propre à ce noble rôle. Le besoin d’arriver haut et promptement puis la nécessité de ménager les situations une fois acquises, d’où résulte une grande gêne pour la parole et pour la conduite, ou encore le goût fâcheux de marcher isolés, l’orgueil d’une indomptable personnalité, d’où résultent les systèmes stériles, ont trop souvent altéré chez ces hommes privilégiés les dons d’une nature généreuse et rendu leur talent ou leur génie moins utile que dangereux