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les élémens et les ressorts. La plus forte dépense de l’Algérie est occasionnée par l’occupation militaire. Comment osera-t-on la réduire, si l’on ne sait pas par quelle stratégie on est parvenu à subjuguer un peuple réputé indomptable et par quelle discipline on le retient dans le devoir ? Comment s’associer à un projet de colonisation, si l’on n’est pas à même d’apprécier le mécanisme de l’administration européenne, les sacrifices faits en travaux d’utilité publique, l’importance des biens qui composent le domaine de la France, la manière dont s’est constitué la propriété européenne, les systèmes d’exploitation mis à l’essai jusqu’à ce jour, les ressources commerciales du pays et le double mouvement d’affaires établi, d’une part, entre l’Algérie et l’Europe, et, d’autre part, entre les colons et les indigènes ?

Il n’est pas étonnant, au surplus, que ces notions ne soient pas encore vulgarisées. Ordinairement on constitue une administration d’après la connaissance qu’on a d’un pays. En Algérie, au contraire, il a fallu, pour connaître le pays, commencer par établir une administration. Tous les renseignemens que nous possédons aujourd’hui sont, pour ainsi dire, les bulletins des expériences opérées depuis dix-huit ans. La pacification ne date que de deux ans. Le régime administratif recevait, il y a trois moi seulement, la forme qui paraît devoir être définitive. L’heure est donc venue de réunir, dans un tableau d’ensemble, tous les faits qui peuvent éclairer le problème de la colonisation, et nous croyons qu’il est convenable de le faire, à la veille du débat que va susciter sans aucun doute le budget algérien.


I. — PROGRÈS DE LA DOMINATION FRANÇAISE.

Dans la résolution prise, en 1828, de mettre un terme à l’insolence des pirates algériens, il n’y avait aucune arrière-pensée de conquête. La première idée accueillie dans les conseils du gouvernement fut même d’inviter la Porte ottomane à châtier son dangereux vassal. Les moyens d’exécution proposés par le grand-seigneur ayant paru inadmissibles, l’expédition directe fut résolue. Alger, bombardée et enlevée d’assaut, capitula le 5 juillet 1830.

Quels étaient l’étendue, la population, le régime social, les ressources naturelles du pays où on prenait pied ? Voilà ce que le vainqueur ignorait. Quelles étaient les intentions de la France à leur égard ? Les indigènes ne le savaient pas davantage. Il y avait ainsi en présence, d’un côté, une armée victorieuse, sans portée parce qu’elle n’avait pas de but, et, d’un autre côté, une population partagée entre sa stupeur à la vue des chrétiens et la satisfaction d’être affranchie du joug des Turcs. Les grands événemens accomplis en France, peu de jours après la chute d’Alger, laissèrent aux indigènes un temps de répit pendant lequel ils