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L’introduction du nouveau système fut signalée, dès l’arrivée du général Bugeaud, par la suppression de plusieurs postes, afin d’accroître les forces actives. Nos troupes franchirent alors pour la première fois le Chelif, balayant devant elles la cavalerie de l’émir, et pesant tour à tour sur les tribus les plus riches. Tekdemt et Mascara tombent en notre pouvoir après quelques combats qui mettent en présence Abd-el-Kader et le nouveau gouverneur. Un avantage marqué obtenu par le général Bugeaud près d’El-Bordj, d’habiles manœuvres exécutées dans la province de Titeri par le général Baraguay-d’Hilliers, élargissent vers le sud le théâtre de la guerre. Saïda, Boghar, Thaza, Sebdou, sont successivement attaqués par nous et abandonnés par l’émir ; on y trouve d’assez belles constructions : une forteresse, un hôpital, une manutention, des magasins et des ateliers divers, embrassant depuis la confection des équipemens jusqu’à la fabrique des armes et la fonte des projectiles. Tout est détruit de fond en comble. La puissance de notre ennemi est frappée dans ses bases.

Par suite de ces mouvemens, une tâche de première importance échut au général de Lamoricière : inutile d’ajouter qu’il y déploya cette activité énergique et tenace qui est loyalement appréciée dans les rangs de l’armée. Nommé, vers la fin de 1841, au commandement de la province de l’ouest, il s’établit à Mascara, avec mission d’y mettre à l’épreuve-le nouveau système d’occupation. Au lieu de partir de l’idée étroite du ravitaillement, qui eût conduit à immobiliser encore sur ce point une faible et impuissante garnison, il s’appuya sur ce principe, qu’un corps considérable saurait toujours trouver des ressources au dehors, et vivrait en partie sur le pays. Son effectif, de quatre mille hommes d’élite, lui ayant assuré la domination de la plaine, il en eut bientôt enlevé les céréales, vidé les silos, récolté les légumes et les fruits. Ces provisions accessoires, jointes à celles de plusieurs convois réguliers, assuraient la subsistance du corps d’armée pour un temps assez considérable.

La colonne de Mascara venait de prouver que quatre mille hommes constituent une force capable d’agir isolément, apte à vivre, à se mouvoir, à se ravitailler autour d’une base d’opérations donnée : il était tout simple de renouveler cet exemple à Tlemsen, ne fût-ce que pour protéger nos nouveaux sujets. Cette extension du principe acheva, en effet, d’en démontrer l’excellence. La distance des deux places étant moindre que la somme des rayons d’action de leurs colonnes, celles-ci purent se donner la main, concerter des mouvemens, et, pour peu qu’il y eût à Mostaganem et à Oran quelques forces mobiles, toute la région comprise entre ces quatre points se trouvait comme enveloppée dans un carré de baïonnettes ; l’ennemi qui aurait osé y pénétrer eût été rejeté d’une colonne sur l’autre, sans espoir de retraite. Les Arabes perdaient ainsi les avantages de leur mobilité.