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finiraient par lui manquer en Algérie. Cet homme, fécond en ressources, avait pris des mesures, pour puiser au besoin dans le Maroc. Un embrasement de ce côté était plus dangereux pour nous que le foyer qu’on venait d’éteindre. L’état religieux de l’Algérie et les liens de toute espèce qui l’unissent aux deux régences limitrophes ne permettent pas à un gouvernement chrétien l’espoir d’y dominer en paix, s’il n’entretient de bonnes relations, et même s’il n’exerce une haute influence dans les cours de Tunis et du Maroc. L’écueil est principalement du côté de ce dernier état : la suprématie traditionnelle, l’indépendance religieuse et politique de son chef, joints à l’affaiblissement de son autorité réelle, la brutalité des populations, la multitude et la ferveur de ces sociétés religieuses qui obéissent à l’impulsion d’un supérieur fanatique, le prestige que l’émir sait conserver même dans le revers, tout semblait réuni, dans la question du Maroc, pour préparer des difficultés sérieuses à la politique française.

Sans craindre la guerre, la France désirait l’éviter. Provoqués depuis long-temps par l’effervescence que les prédications d’Abd-el-Kader avaient produite dans le Riff, nos généraux se contentaient d’affermir leurs points d’appui dans la prévision d’une lutte sérieuse. Notre modération. Ne pouvant préserver le Maroc des désastres où l’entraînait son fanatisme aveugle, on eut enfin recours à la force. Tanger et Mogador furent bombardés ; en même temps, la grande et tumultueuse armée réunie autour du fils de l’empereur pour la guerre sainte était entièrement dispersée sur les rives de l’Isly. Ce n’est pas le lieu d’insister sur ces beaux faits d’armes ; il est à noter seulement que la tactique déjà si variée de notre armée de terre s’est enrichie à Isly d’un nouvel ordre de combat, le carré des carrés.

Tombé sans énergie et sans ressources au milieu d’une population dont la fidélité était douteuse, Abd-er-Rahman sentit qu’il ne pouvait se relever qu’en s’appuyant sur ceux qu’il avait provoqués. La France avait ses raisons pour désirer la paix. Des sacrifices onéreux et humilians pour le Maroc auraient pu déterminer la chute de l’empereur, il en fût résulté, pour les dominateurs de l’Algérie ; une situation inquiétante, un accroissement de dépenses hors de proportion avec la contribution de guerre qu’un vainqueur imprévoyant aurait demandée, peut-être sans l’obtenir. Le principal bénéfice de la victoire n’était-ce pas la sécurité sur les frontières qui avaient été jusqu’à ce jour un champ de bataille ? On s’en tint donc à exiger d’Abd-er-Rahman une reconnaissance formelle des droits que nous a donnés la conquête, et dans ses propres états une police vigilante et conforme nos intérêts. On convint en outre de fixer la délimitation des frontières entre les possessions françaises et celles du Maroc, en prenant pour règle l’état des choses mutuellement accepté sous la domination des Turcs.

Cette dernière convention n’était pas sans portée pour la France. À