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à guider les mouvemens des troupes françaises. Un de leurs principaux moyens d’action est la surveillance des marchés. Dans les pays où les communications ne sont pas régulièrement établies, le marché, qui réunit forcément les peuplades lointaines, a l’importance d’une assemblée politique. C’est au marché que le kaïd saisit et force au paiement de l’impôt les tribus rétives : c’est par le besoin d’un marché qu’on domine les Kabiles et les Sahariens, condamnés à échanger les produits de leur industrie contre les céréales des Arabes de la plaine.

Les agha, kaïd et autres fonctionnaires indigènes sont nommés sur la présentation des commandans de province ; il est prescrit à ceux-ci de se faire éclairer sur le mérite des candidats par une sorte d’enquête faite auprès des agens français ou indigènes de la localité. La nomination des agens d’un ordre inférieur doit être renouvelée chaque année. On s’est assuré ainsi de la fidélité des kaïd et des cheick, qui exercent sur les tribus une action directe. Cette investiture annuelle devient à la fois une récompense pour celui qui est maintenu dans sa fonction et une menace pour le prévaricateur sous les Turcs, les officiers de police, loin d’être payés par le gouvernement, étaient obligés de renouveler chaque année les gratifications qu’il fallait faire au bey et à ses ministres pour obtenir le diplôme ; ils se dédommageaient en pillant leurs administrés. La France devait mettre fin à un tel brigandage. Les chefs indigènes reçoivent aujourd’hui un traitement à titre de solde et comme indemnité des frais d’administration qu’ils ont à supporter. Ce service figure au budget de l’état pour la somme de 450,000 fr.

La suppression du plus grand nombre des tribus du makhzen aurait laissé les agens français désarmés au milieu des populations arabes. Un arrêté du 16 septembre 1843 institua donc une milice spéciale qu’il ne faut pas confondre avec les corps indigènes classés comme auxiliaires dans l’armée active. On distingue par les noms de khiéla (cavaliers) et de askar (fantassins) ces miliciens, qui font un service de gendarmerie, et dont l’organisation rappelle celle des anciens janissaires. Ils vivent chez eux du produit de la terre ou d’une industrie, sans être enrégimentés, sans autre obligation que de prendre les armes pour protéger les chefs auxquels l’autorité française est déléguée et assurer l’exécution de leurs ordres. L’appel qui leur est fait au besoin ne les éloignant que très rarement de leurs intérêts, ils peuvent se contenter d’une solde très faible, même en supportant les frais de leur équipement. Cette solde a été uniformément fixée à 1 franc par jour pour les cavaliers et 50 centimes pour les fantassins. Le nombre de khiéla ou d’askar qu’un chef indigène peut enrôler est déterminé par l’allocation qui lui est faite. Ainsi, quoique entièrement à la disposition des officiers qui administrent les territoires arabes, cette force locale n’en reste pas moins soumise au contrôle de l’autorité supérieure.

L’effectif réglementaire des khiéla, des askar et des cavaliers du