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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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28 février 1849.

De cela, maintenant, il y a donc déjà plus d’une année. C’était un de ces momens comme il s’en trouve quelquefois dans l’histoire pour le châtiment de notre humaine présomption, un de ces jours de vertige où tout le monde fait des fautes, parce que tout le monde a mérité d’en faire. Les partis légaux, depuis si long-temps aux prises, avaient oublié, dans l’acharnement de la lutte, qu’en dehors d’eux et presque en dehors du pays, il y avait encore un autre parti qui n’était qu’une faction. Cette faction veillait, et le jour où l’agitation constitutionnelle eut l’imprudence d’aller jusqu’aux limites extrêmes de la légalité, de mettre le pied dans la rue, elle fut en un clin d’œil surprise et débordée par des gens qui savaient bien mieux qu’elle ce que c’est que la rue. Les grands vainqueurs et la triomphante victoire ! Une hécatombe humaine provoquée par un guet-apens ; un poste, deux postes égorgés ou incendiés ; Neuilly brûlé, le Palais-Royal et les Tuileries dévastés : voilà le bulletin de ces glorieuses ! Nous allions oublier de compter les blessés et les morts. Il n’y avait pourtant guère de balles à recevoir entre tout ce qu’ils étaient là de héros, car il n’y avait guère de fusils braqués sur eux. Aussi, toutes les fois que nous voulons nous faire une imposante idée du nombre de ces précieuses victimes qui moururent alors pour la patrie, nous avons soin de les ramasser partout, et aux rares éclopes du champ de bataille nous ajoutons ces masses anonymes qui étouffèrent au fond des caves du tyran, noyées dans le vin qu’elles buvaient, ou rôties par le feu qu’allumait leur ivresse !

Nous en sommes presque arrivés, après tant d’épreuves désolantes, à douter des révolutions les plus légitimes, et malgré les justes griefs d’où naquit celle de 1830, malgré la sainteté de la cause qu’elle défendait, nous y regrettons encore quelque chose ; nous regrettons qu’il ait fallu la force pour venger la loi. L’emploi brutal de la force irrégulière ne sera jamais qu’une périlleuse réparation du droit violé. Mais enfin il y avait en 1830 un admirable élan de patrio-