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d’une résurrection glorieuse et non d’une restauration surannée. Les doctrines de 1789 forment donc une sorte de foi politique qui survit aux faiblesses des apôtres et aux égaremens des disciples. C’est une terre promise dont l’image ne périt pas. Beaucoup de nos pères ont pu mourir au désert en désespérant de l’atteindre ; moins excusables qu’eux, nous avons pu mériter de la perdre et de la pleurer dans l’exil. Cependant elle existe, nous le savons, car nous avons goûté sa paix ; son souvenir vit au fond des cœurs, et le malheur passe sans l’effacer.

La publication du livre dont nous venons de citer le titre, le nom de l’auteur inscrit en tête de ces trop courtes pages, sont à eux seuls un témoignage de ce retour naturel qui s’opère en France, après toutes les époques de crise, vers les principes modérés essentiels à son nouvel ordre social. C’est à un an, presque jour pour jour, de la révolution de février, que M. de Barante vient de faire paraître ses spirituelles observations sur la situation présente de nos affaires. L’esprit du grand parti constitutionnel et libéral de France, où M. de Barante a figuré pendant trente ans avec tant d’éclat, s’y fait sentir à toutes les lignes. On y retrouve partout l’homme d’affaires élevé dans l’école administrative de l’empire, exercé dans les luttes politiques de la restauration, l’ambassadeur éminent d’un gouvernement qui a passé pendant dix-huit ans pour avoir résolu le problème de la quadrature du cercle politique, l’union du pouvoir et de la liberté. M. de Barante n’a pas renié une de ses opinions passées ni dissimulé une de ses pensées présentes. Aux dogmes philosophiques qui ont prévalu par la force et qui triomphent aujourd’hui, à la souveraineté pure, absolue, capricieuse du nombre, à cette égalité brutale qui ne tient compte ni du talent ni des lumières, ni des dons naturels ni des qualités acquises, M. de Barante a opposé, dans un langage renouvelé par les circonstances, des raisons déjà vieillies par l’expérience. À l’entendre démontrer, avec une tranquille hauteur de pensée, que toute souveraineté, même populaire, est justiciable de la morale et du bon sens, que nul souverain, d’en haut ou d’en bas, n’a le droit d’imposer son bon plaisir pour dernière raison de ses actes, on se rappelle de meilleurs jours, des jours où l’on ne faisait pas des révolutions pour se divertir, et où, quand les peuples s’insurgeaient, c’était pour rappeler aux rois eux-mêmes le respect des sermens oubliés. Il n’y a pas la moindre concession dans le livre de M. de Barante à ce matérialisme politique assez brutal qui s’étale aujourd’hui dans nos assemblées. On jurerait souvent qu’il croit encore qu’il y a un bien et un mal, un tort et un droit, qui sait ? peut-être même des crimes politiques. On dirait qu’à ses yeux toute conspiration n’est pas nécessairement un titre de gloire, toute insurrection victorieuse nécessairement légitime, et que les actes flétris par le code pénal ne deviennent pas permis par cela seul qu’ils prétendent relever