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un commencement de fortune. Un peu de bonheur ou beaucoup de temps fera le reste, à l’aide du travail.

Il se peut cependant que l’homme qui émigre ainsi de l’est à l’ouest soit très pauvre, qu’il ne puise payer son lot de terre, même au prix de 16 francs l’hectare, car on n’en vend pas moins de 16 hectares, ce qui représente 256 francs. En sa faveur alors il y a une exception. On ne lui donne pas la terre ; on lui laisse prendre l’espace qui doit faire un bon domaine, en s’arrangeant de sorte qu’il ne puisse en esquiver le paiement. Il y a pour cet objet un double mécanisme, qui est simple et sûr.

Les terres fédérales, avant d’être mises en vente, sont découpées, sur les plans du cadastre et sur le sol même, en carrés qui ont un mille (1,609 mètres) de côté. J’omets les divisions supérieures C’est ce qu’on nomme la section ; on la sous-divise en quarts de section, qui font 160 acres ou 64 hectares. C ! est le lot qu’on met en vente aux enchères.

Notre jeune cultivateur arrive dans une contrée qui a été arpentée et divisée sur le sol par des bornes ou des signes faits au tronc des arbres. Si l’arpentage n’avait pas eu lieu, il lui serait interdit de s’établir là mais on a arpenté de quoi faire des empires. De deux chose l’une, ou la formalité de la mise aux enchères, qui se passe une fois pour toutes, a été accomplie, ou elle n’a pas encore eu lieu. Dans le premier cas, l’émigrant choisit le site et l’exposition qui lui plaisent. Il prend sa hache, et, suivant la pratique accoutumée, il renverse les arbres qui lui conviennent, s’en fait une cabane, met le feu au reste de la forêt, laboure le sol plus ou moins dégarni, et puis il va faire enregistrer sa déclaration au bureau terrien le plus proche. De ce jour, il se regarde comme propriétaire, et il est réputé tel, sauf le paiement à effectuer plus tard. Le droit de préemption lui est acquis. Le spéculateur qui vient le jour des enchères et qui jette un œil d’envie sur la petite plantation du squatter est privé de la faculté d’enchérir ; mais aussi de ce jour l’occupant est tenu de payer sur les bases de la mise à prix. On ne peut acquérir ainsi moins d’un demi-quart de section ou 32 hectares, à moins qu’il en reste un coin moindre de quelque section déjà vendue. On a mis quelques conditions à l’exercice du droit de préemption afin d’avoir la garantie que l’acquéreur soit bien réellement homme sans fortune, un véritable cultivateur, et non pas un agioteur en terres publiques. Je ne les indiquerai pas, ce n’est pas ce qui doit nous occuper ici : qu’il suffise de dire qu’elles n’ont rien de vexatoire, qu’elles se concilient très bien avec la dignité de l’homme et sa liberté.

Si la formalité de la mise aux enchères a été déjà remplie, l’émigrant procède d’une autre façon. Il explore le pays, fait choix de son quart ou demi-quart de section, et en prend possession tout comme dans le cas précédent. Aux termes stricts de la loi, il devrait faire sa déclaration dans l’année ; mais il allonge le délai autant qu’il peut : il n’y a