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le mouvement que peut alimenter le pays. Notre part s’étend du cap Cerbère, qui, dès le temps de la domination romaine, séparait la Gaule de l’Espagne[1], aux terrains d’alluvion du Roussillon. Le seul bassin capable de recevoir des vaisseaux de ligne que nous possédions, à l’ouest de Toulon, sur la Méditerranée, s’y ouvre à Port-Vendres, entre les anses de Collioure et de Banyuls. Cet atterrage n’a que six kilomètres ; mais il ne faut pas jurer de son importance par son peu d’étendue.

L’espace occupé par les terrains d’alluvion de la plaine du Roussillon l’a d’abord été par un golfe qui pouvait avoir six à sept lieues de profondeur. Le concours des eaux intérieures, qui entraînaient la dépouille des montagnes, et de celles de la mer, qui, poussées par les vents du large, apportaient des sables, l’a progressivement comblé. Ce travail de la nature se confirme sous nos yeux. La Tet, à laquelle on a depuis ouvert un lit plus direct, atteignait jadis la mer à Torreilles[2], qui en est actuellement éloignée de 5 kilomètres, et des témoignages récens de la retraite des eaux se trouvent à chaque pas le long du rivage. La plaine va donc s’élargissant du côté de la mer, et celle-ci reçoit sans relâche, des rivières qui s’y dégorgent, la matière de nouveaux alluvions. Les dépôts de cette nature forment ordinairement des deltas à l’embouchure des rivières. La violence des vents et des coups de mer qui battent cette côte produit ici des effets différens : elle bouleverse les barres qui s’établissent pendant Ie calme aux débouchés de l’Agly, de la Tet et du Tech, et les flots, équilibrant dans leurs longues agitations les terres dont ils se chargent, les répartissent d’une manière égale le long d’une côte partout également friable. Dans un pareil terrain, les anses se comblent et les caps s’émoussent presque aussi vite qu’ils se forment, et il est résulté de la double uniformité des attaques de la mer et de la docilité de la terre que, du rocher de Leucate à ceux de Collioure, les alluvions du rivage se sont rangées sur une ligne presque rigoureusement droite. La longueur en est de 12 kilomètres.

Les déjections des eaux intérieures s’allongent sous la surface de la nier avant de se montrer au-dessus, et projettent le long de la côte une zone de bas-fonds. Dans cet état, la turbulence des îlots diminue avec la puissance de la masse soulevée, et la mer se dépouille, sur la ligne qu’elle n’a pas la force de porter plus loin ; elles y forment des bourrelets plus ou moins étroits, en arrière desquels se conservent des lagunes souvent navigables Cet effet se produit en grand aux embouchures du Rhône, du Pô, du Nil,

  1. Tum inter Pyrenai promontoria Portus Veneris insignis fano et Cervara locus finis Galliae (Pomp. Meta, lib. II)
  2. … Antiqua Tetis ostia, quorum vestigia supersunt in vico Turricula, ubi restagnaus aqua veterem portum objmatum ostendit (Marca Hispanico.)