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Vincke, c’est par la fermeté du caractère, c’est par l’inflexible gravité du langage qu’il a pris la direction de son parti. L’austérité de son maintien, l’aspect sévère de son visage, tout est imposant chez lui, tout concourt à exprimer le commandement. Nous entendrons M. de Radowitz dans des occasions plus graves, et nous verrons l’exaltation réfléchie de ses croyances religieuses lui assigner un nouveau rôle au sein du parlement. Si M. de Radowitz prend aujourd’hui la parole, c’est seulement pour rétablir, contre les orateurs de la gauche et même contre les députés du centre, les vrais principes constitutionnels. « On se demande, s’écrie M. de Radowitz, si c’est aux princes ou aux peuples qu’il faut attribuer la nomination du pouvoir central ; cette hésitation est une méprise profonde. Le régime constitutionnel existe ; or, les décisions du gouvernement, dans un état constitutionnel, ne sont pas l’œuvre des souverains ; elles appartiennent aux ministres, à des ministres responsables qui représentent la majorité dans les chambres, comme les chambres représentent la majorité du pays. Voilà la vraie théorie constitutionnelle. Maintenant, l’unité de la patrie que nous désirons tous, est-ce cette tyrannique unité, qui anéantit l’esprit particulier de chaque peuple et ses libertés provinciales ? Unité et variété tout ensemble, telle est la nature même de l’Allemagne, et pour que notre œuvre soit durable, il faut que ces deux élémens s’y retrouvent. Aujourd’hui donc, en renonçant, au nom de la nation entière, à établir nous-mêmes l’autorité centrale, en chargeant de cette mission la sagesse des états constitutionnels, nous contribuerions à l’unité de la famille allemande, sans rien enlever aux droits particuliers de chacun de ses enfans. » Le discours de M. de Radowitz, bien que contraire à l’opinion générale de l’assemblée, fut accueilli avec une sympathie très vive sur un grand nombre de bancs ; on ne s’étonnera pas cependant que de violens murmures, réprimés, aussitôt par l’énergie du président, aient éclaté dans les tribunes. M. Wesendonck, qui répond à M. de Radowitz, ne s’attirera pas la colère du peuple ; il soutient de son mieux la proposition de MM. Robert Blum et Trüchler, laquelle demande tout simplement un comité souverain choisi dans l’assemblée et chargé d’exécuter ses volontés. Les conclusions de MM. Robert Blum et Trüschler viennent d’être défendues à la tribune ; il convient qu’une voix bien autorisée porte les premiers coups à l’ennemi ; c’est à M. Bassermann qu’est dévolu, cet honneur, et l’habile orateur, par une argumentation invincible, met en pièces le prétentieux édifice de la gauche. Il produit surtout une impression profonde quand il reproche aux théoriciens de la montagne le vieux péché, le péché originel de l’Allemagne, l’abus des formules, l’enivrement des abstractions et l’ignorance absolue des choses possibles. « En Angleterre, s’écrie-t-il, et il n’a malheureusement que trop raison, on parle peu de la souveraineté du