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cipalement en Bulgarie, un mutuel appui. Comment ces imaginations, jeunes et enthousiastes, toujours impressionnées par ces sentimens d’orthodoxie religieuse et de race, résisteraient-elles à l’éclat d’une victoire politique et religieuse remportée par un pontife de leur église et par un empereur de leur race ? Que d’autre part on suppose les Russes battus, anéantis, suivant l’expression consacrée dans les bulletins magyars, que l’on suppose les Magyars triomphans sur les ruines de l’Autriche, que l’on rétablisse à la place occupée par ce vieux monument un royaume ou une république hongroise, les Croates et les Serbes autrichiens vaincus n’en poursuivent pas moins le but de leurs voeux, l’indépendance. Ils font un appel désespéré à leurs compatriotes de Turquie ; l’agitation renaît immédiatement sur tous les points ; l’idée de nationalité se relève avec violence. Les Bulgares et les Serbes ne pouvant pas consentir à l’asservissement des Croates sous la domination magyare sans consentir à leur propre anéantissement, puisque leur capitale intellectuelle est à Agram, les Slaves de Turquie s’engagent de leur propre volonté, et malgré la Turquie elle-même, dans une guerre nouvelle contre la domination magyare. Et que devient, au milieu de ces complications, l’autorité du sultan, forcé ou de combattre lui-même la Hongrie à la suite de ses sujets slaves, ou de s’unir aux Hongrois pour étouffer cette race renaissante ? Que fallait-il donc pour écarter les périls que ces événemens peuvent faire courir un jour à l’équilibre européen ? Une chose bien simple : il fallait que les Austro-Croates battissent les Magyars sans avoir besoin du concours des Russes. Le génie de la Russie fatal à l’Orient et l’incapacité du prince Windischgraetz en ont autrement disposé. Il n’y a donc plus peut-être qu’un vœu à former, c’est que les cabinets de l’Occident se mettent dès à présent en mesure de lutter avec prudence à Constantinople, à Vienne, à Belgrade, pour resserrer autour du sultan et de l’empereur d’Autriche tout ce qu’il y a de Slaves dans ces deux états ; c’est aujourd’hui, nous le craignons, le seul moyen d’empêcher ces populations de se jeter dan les bras des Russes.


— Il vient de s’opérer, en Hollande, un petit revirement ministériel. M. Dunker Curtius, rebuté, à ce qu’il parait, par quelques difficultés parlementaires, a donné sa démission. Son successeur au ministère de la justice est M. Wichers, jurisconsulte distingué, qui arrive des Indes orientales, où il a présidé à la mise en vigueur de la nouvelle législation. Le ministre des colonies, M. Baud (parent de l’ancien ministre, plus connu, du même nom) s’est démis aussi de ses fonctions, un peu par cause de santé, un peu aussi peut-être par suite des obstacles qu’a rencontrés dans le parlement le projet du traité à conclure avec la société de commerce ; il a été remplacé par M. Van den Bosch, contre-amiral. La chambre a été ajournée pour quelques semaines à la reprise des travaux parlementaires, la session, douloureusement interrompue par la mort de Guillaume II, recommencera pour tout de bon. La présentation de la loi sur l’enseignement et d’autres lois organisatrices voulues par la loi fondamentale est remise à cette époque. Quant à la solution financière, le déficit de 1848 est toujours à combler ; les revenus promettent d’être plus satisfaisans pour l’année courante, grace à l’élévation du prix des produits coloniaux. On espère en même temps introduire dans le budget quelques économies.