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des représentations de son conseil, des protestations des parlemens et des murmures de la France entière. En accomplissant le fait, il fit de vaines réserves de droit, et, comme les 300,000 écus d’or dus à Louis XI n’avaient jamais été payés, François Ier s’en prévalut pour justifier une invasion qui ne pouvait être efficace qu’autant que Perpignan serait pris. Le cardinal Dubellay s’était vainement efforcé de détourner le roi de cette entreprise, et c’est à cette occasion qu’il répétait : « Si l’on entre en petit nombre en Roussillon, en y est accablé ; si l’on y vient en forces, on y meurt de faim. ».

Le siège de 1542 ne fut pas long. Nos troupes étaient commandées par le dauphin qui fut depuis Henri II. Charles-Quint, qu’elles croyaient surprendre, avait fait, pour les recevoir, des préparatifs formidables. La ville était si bien garnie de canons, dit Dubellay, qu’elle semblait un porc-épic qui, de tous côtés, montre ses pointes ; » le duc d’Albe occupait avec 8,000 vieux soldats, et les élémens déchaînés qui, l’année précédente, avaient fait échouer devant Alger les armes castillanes, semblaient cette fois conjurés contre nous. Des nos premières tentatives, la fortune nous fut contraire. Dans une de leurs sorties, les Espagnols s’emparèrent de notre parc d’artillerie ; ils commençaient à l’emmener, lorsque M. de Brissac fondit sur eux, lui douzième, avec tant de furie, qu’il leur fit lâcher prise, et, comme on le rapportait blessé, le dauphin accourant s’écria : « Si je n’étais fils de France, je voudrais être aujourd’hui Brissac » François Ier, venu à Narbonne pour recueillir une conquête, ne fit qu’envoyer au dauphin l’ordre de rentrer en Languedoc, et le seul trophée de la campagne fut une troupe de trois cents femmes ou filles roussillonnaises qu’un corps d’Italiens à notre solde avait enlevées, prétendant que les Espagnols n’en usaient pas autrement en Italie. Le roi paya de ses deniers la rançon de ces infortunées et les fit rendre à leurs familles.

Un siècle plus tard, le Roussillon était en proie à une agitation extraordinaire. Le comte d’Olivarès, maître absolu de l’esprit de Philippe IV, avait imaginé, dès l’avènement de ce monarque en 1621, de pousser par des mesures acerbes la. Catalogne et ses attenances à la révolte, et de se donner ainsi un prétexte pour soumettre ces provinces par les armes et les dépouiller de privilèges importuns pour la cour d’Espagne. À moins de pénétrer à l’aide des correspondances du temps, dans le milieu où végétaient les descendans de Charles-Quint, on s’explique mal aujourd’hui comment de si odieuses trames pouvaient se suivre, pendant de longues années, sous le nom et devant les yeux d’un prince naturellement bienveillant. Une lettre écrite de Barcelone le 12 mars 1642 par le maréchal de Brézé[1], qui gouvernait alors la Catalogne

  1. Archives des affaires étrangères.