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de gouvernement. Le district de Bistritz, tous les établissemens saxons ou les villages valaques du nord étaient au pouvoir de l’ennemi ; mais le pays saxon, les grandes et florissantes, villes d’Hermanstadt, Cronstadt, Muhlenbach, se maintinrent sous le gouvernement présidé par Puchner. Il y avait une sorte de trêve, et on arriva ainsi, sans de trop vives souffrances, jusqu’à la fin de l’année 1848.

La Transylvanie cependant était complètement séparée du reste de l’empire. L’insurrection hongroise, développée dans des proportions formidables, occupait tout le nord et le centre du royaume magyar. Vers le bas Danube et la. Save, la guerre des Croates rompait toute communication. Le corps autrichien stationné en Transylvanie se trouvait donc perdu de l’autre côté de la ligne ennemie et en dehors de toute combinaison stratégique. On n’avait point de nouvelles de ce qui se faisait à Pesth ou sur le Danube. C’était par la voie de Jassy ou de Bucharest qu’on apprenait vaguement ce qui se passait à Vienne, long-temps après les événemens. Un vaisseau séparé, devant l’ennemi, du gros de l’escadre, et qui ne sait pas ? quand on aperçoit une voile à l’horizon, si c’est son salut ou sa ruine que les vents poussent vers lui, voilà l’image de la situation où se trouvèrent pendant plusieurs mois les populations saxo-valaques.

C’étaient bien l’ennemi et la ruine qui arrivaient à l’extrémité de l’horizon. La guerre de Hongrie, dépouillant le caractère national qu’elle avait d’abord revêtu, était passée à sa phase révolutionnaire. On avait mis depuis long-temps de côté tous les subterfuges ; des deux parts, on s’engageait à fond et sans retour. De tous les points de l’Europe, les réfugiés politiques et les révolutionnaires arrivaient au grand rendez-vous. Dans cette milice redoutable, les Polonais furent les plus nombreux et les plus ardens, hélas ! pourquoi faut-il dire les plus excusables ? Ce malheureux partage de la Pologne a jeté, dans toutes les insurrections et derrière toutes les barricades de l’Europe des hommes courageux, qui, s’ils avaient eu une patrie, y auraient combattu, comme nous faisons nous-même pour la cause de l’ordre et de l’autorité sociale. La Pologne ne donna pas seulement des soldats à l’insurrection hongroise, elle lui fournit les officiers et les généraux qui manquaient à l’armée des Magyars. Tous les Polonais qui avaient combattu dans la guerre contre la Russie se hâtèrent d’accourir. Ils ne se méprenaient pas sur la portée de cette guerre ; ils comprenaient que, vainqueurs ou vaincus, elle devait les replacer en face des Russes. La plupart des généraux qui ont figuré dans la dernière campagne, Dembinsky, Perczel, sont Polonais ; mais nul n’arrivait précédé d’une réputation aussi brillante que le général Bem, qui fut chargé de la conduite de la guerre en Transylvanie.

Joseph Bem est bien connu à Paris des personnes qui ont été en rapport avec l’émigration polonaise. Sa carrière offre le mélange de