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LA VIE MILITAIRE EN AFRIQUE.

bours, l’infanterie, chargeant à la baïonnette, balaya les collines voisines, tandis qu’au loin les obus délogeaient les Arabes du fourré. À cette rude attaque, le colonel Tartas fît aussitôt sonner à cheval, et, jetant nos sacs, nous courûmes couper la retraite à l’ennemi ; puis, faisant un à gauche, spahis et chasseurs, tous en bon ordre, malgré les accidens du terrain, nous les poursuivîmes deux lieues durant jusqu’aux montagnes. Alors on sonna le ralliement, et nous revînmes au pas, un peu inquiétés par leurs coups de fusil, mais en ayant laissé bon nombre sur le terrain.

Le lendemain, la colonne, marchant dans la direction du Guerboussa, passait le défilé et venait bivouaquer sur l’Oued-Melab. Plusieurs courses furent tentées à droite et à gauche avec plus ou moins de succès. Un jour, entre autres, les chasseurs d’Orléans furent chargés de fouiller une montagne boisée. Sur le revers se dressait un rocher à pic de cinquante mètres. À trente pieds du bord s’ouvrait l’entrée d’une caverne qui, d’en bas, paraissait un point noir. Là, disait-on, les Arabes s’étaient disposé un repaire ; ils y cachaient leurs effets les plus précieux, et quelques-uns d’entre eux y avaient probablement cherché un refuge. La chose était curieuse et valait la peine d’être éclaircie. On eut d’abord l’idée d’employer à cette exploration un prisonnier qui irait le premier sonder la caverne et savoir ce qu’elle renfermait. L’idée était bonne, seulement le pauvre diable d’Arabe refusa tout net, et non pas sans quelque juste motif tiré de sa sûreté personnelle, disant qu’on l’envoyait à la mort, si par hasard il se trouvait un Arabe caché dans la caverne. Pour toute réponse, et sans perdre le temps en discours inutiles, on fit approcher deux soldats, dont la pantomime, pleine d’expression, eut bientôt fait comprendre au prisonnier récalcitrant que le plus sage était encore pour lui de tenter l’aventure. Cette éloquence toute militaire le décida enfin, et, bon gré mal gré, deux cordes furent passées sous ses bras ; puis on le descendit dans l’abîme, tandis qu’à l’aide de ses mains il s’accrochait à quelques buissons qui couraient le long du rocher. Enfin, il arrive à l’entrée de la caverne et disparaît. L’instant d’après, il nous faisait signe que le rocher était vide et que l’on pouvait descendre. Aussitôt dit, aussitôt fait ; c’était à qui parmi nos soldats se précipiterait dans cette caverne d’Ali-Baba. Bientôt haïks, tapis, burnous, provisions de toute sorte, même des tam-tam et des plats de bois, furent hissés et enlevés, puis les soldats reprirent leur course aérienne, et la colonne rentra au camp, ramenant le bétail et les prisonniers qu’elle avait ramassés dans le bois.

Quelques jours plus tard, nous bivouaquions à Dar-ben-Abdallah, dans une admirable position militaire. Le Menasfa, qui la contourne en coulant dans un ravin de rochers, la défend de trois côtés ; de là,