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LE LENDEMAIN DE LA VICTOIRE.

UN OUVRIER.

Bourgeois, silence et respect, ou mets-toi en garde. Le gamin m’a l’air de jaser gentiment.

GALUCHET.

Citoyens, quoique peu fortuné, je veux faire un sacrifice en faveur du peuple. J’ai acheté ce journal pour le vendre, mais vous n’avez pas tous de quoi le payer ; je vais vous le donner. Écoutez-moi ça ; ça sort tout chaud de la plume d’un de vos défenseurs. Quand on manque de pain, l’espérance ranime et la vérité nourrit.

(Applaudissemens.)
LE BOURGEOIS.

C’est intolérable. Je vais chercher la police.

UN OUVRIER.

Va la chercher. De ses os nous ferons des allumettes pour brûler ta maison.

GALUCHET.

Attention, citoyens, j’ouvre la Lanterne, ne soufflez pas. (Rires.) Ça concerne les élections :

« Peuple, nous avons foi en ta sagesse et en ton patriotisme ; tu n’oublieras pas que tu es le premier peuple du monde, et que de ton inspiration sort tout ce qui a vie dans la raison humaine, tout ce qui se réalise dans les institutions sociales.

« Peuple, tu voteras pour la révolution, c’est-à-dire pour la république contre la monarchie, pour la liberté contre le despotisme, pour la raison contre la superstition, pour le travail contre le capital, pour la France contre les Cosaques.

« Tu délivreras le monde des rois et des bourreaux, des esclaves et des maîtres, des prêtres et des hypocrites, des usuriers et des voleurs, des peuples opprimés et des peuples oppresseurs.

« Tu voteras pour la république démocratique et sociale[1] ! »

GALUCHET.

Voilà. Qu’en dites-vous ? Est-ce tapé ?

(Bravos, cris. — On achète le journal.)
UN AGENT DE POLICE.

Citoyens, dispersez-vous. (À Galuchet.) Ta médaille ?

GALUCHET.

Cherche. Elle est dans le ruisseau.

(Il donne un croc-en-jambes à l’agent, qui tombe. La foule applaudit ; quelques hommes se jettent sur l’agent et le frappent ; d’autres accourent pour le dégager. Mêlée. Le rassemblement devient considérable. Galuchet achève de vendre ses journaux.)
CHENU.

Tu as gagné.

GALUCHET.

Non, c’est toi. J’ai tout vendu, et je te régale avec la monnaie que j’ai oublié de rendre. Aux canons ! Aux armes !

VOIX DANS LA FOULE.

Aux armes ! aux armes !

GALUCHET.

Tiens ! est-ce que j’aurais fait une révolution ? Si je l’ai faite, j’en mangerai.

  1. Cette proclamation est authentique et historique.