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a laissé dans l’ombre les détails du fait qui a commencé cette série de contre-temps et de fausses mesures dont le public n’a connu que le triste résultat, mais dont il a ignoré jusqu’à présent l’explication.

On sait que le conflit fut amené par le banquet projeté du 12e arrondissement. L’opposition voulait, par cette manifestation, établir contre le gouvernement le droit illimité de réunion. Le gouvernement avait annoncé que, refusant son autorisation au banquet, il le poursuivrait comme illégal. Cependant, à mesure que le jour fixé approchait, les chefs de l’opposition commencèrent à redouter l’extrémité laquelle ils allaient en venir. Les factions ennemies qui les poussaient devant elles leur inspirèrent de vives alarmes. Plusieurs même furent informés que leurs personnes ne seraient pas en sûreté. Pour provoquer un mouvement insurrectionnel, les conspirateurs républicains pensaient à faire d’eux des martyrs. Les chefs de la gauche voulurent conjurer, par un arrangement amiable, les périlleuses conséquences d’un conflit ; ils sondèrent à ce sujet des membres importans de la majorité. Le ministère, dans l’intérêt de la paix publique, ne demandait pas mieux que de laisser à l’opposition une issue honorable. Des négociateurs furent nommés des deux côtés : M. Barrot et M. Duvergier de Hauranne représentèrent l’opposition ; M. Vitet M. de Morny, le parti conservateur et le ministère. Il fut convenu entre ces messieurs qu’il y aurait un banquet pour la forme ; que, le premier toast porté, un commissaire de police sommerait la réunion de se dissoudre, ce qu’elle ferait sans résistance, et que la difficulté légale débattue entre l’opposition et le gouvernement serait portée devant la justice du pays. Cette transaction, honorable sans doute par ses motifs, était, de la part de l’opposition comme de la part du ministère, une cession de principes : au moment de croiser le fer, l’un et l’autre manquaient de foi dans la rigueur de son droit. Cette première capitulation précipita les complications qu’on voulait prévenir.

Les chefs de l’opposition avaient stipulé pour un parti dont ils n’étaient pas maîtres. La veille du jour du banquet, le National et la Réforme publièrent un programme de la manifestation. C’était un appel à la garde nationale, aux écoles, à la population entière. Les commissaires du banquet y traçaient l’ordre de la cérémonie, y marquaient le rang de chacun dans le défilé, et usurpaient les droits et le langage de la police de la cité réglant l’ordonnance d’une fête publique. Après un pareil défi, le ministère ne pouvait tolérer le banquet sans livrer aux meneurs des factions républicaines le gouvernement de la rue. Le ministère revint donc sur ses concessions. Il résolut d’interdire le banquet. Des précautions militaires furent concertées en conseil pour protéger l’ordre contre les tentatives possibles de la sédition. La garnison de Paris et la garde nationale devaient, le mardi