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d’énergumènes gouvernait l’assemblée et terrifiait la ville. Tandis que le gouvernement, à peine représenté par un ministère sans résolution et sans force, s’abaissait devant la terreur des rues, le roi, enfermé dans son château de Potsdam au milieu de se gardes-du-corps et de ses sombres conseillers d’autrefois, s’exaltait peu à peu dans ses rancunes contre l’esprit moderne, et revenait à l’adoration du passé. Quelle pouvait être alors la situation du parti constitutionnel ? Pressé entre les anarchistes et les défenseurs entêtés de l’ancien régime, il perdait chaque jour du terrain, et cela au moment même où son action était plus nécessaire que jamais, au moment où l’assemblée de Francfort, en faisant la constitution impériale, allait créer à l’Allemagne des difficultés sans nombre.

Ce travail si périlleux de la constitution exigeait un accord intelligent entre les principaux cabinets de l’Allemagne et le parlement de Francfort. Par malheur, l’assemblée des notables, le comité des cinquante et le parlement lui-même, en proclamant la souveraineté absolue de l’assemblée nationale, avaient provoqué la résistance des cabinets et accumulé les obstacles ; l’établissement du pouvoir central, au lieu de réparer les fautes commises, augmentait les complications. Si le parlement eût nommé un directoire, il eût associé à sa cause un certain nombre de souverains ; le désir de l’unité l’emporta, et, quels que fussent les titres sérieux du vicaire de l’empire, le choix de l’assemblée amenait de nouvelles difficultés qu’on aurait dû prévoir. L’élection de l’archiduc Jean, en effet, avait profondément blessé Frédéric-Guillaume IV et froissé l’orgueil prussien. Bien que les conflits n’eussent pas très sérieusement éclaté, il y avait dans les rapports de la Prusse et de l’autorité centrale beaucoup d’embarras et de contrainte. Dès le commencement de juillet, l’ordre du jour que M. de Peucker portait à la connaissance des armées allemandes pour faire saluer le drapeau rouge, noir et or, et provoquer une promesse d’obéissance au ministère de l’empire, cet ordre du jour si imprudent n’avait pas été admis par le gouvernement prussien. Le 31 juillet, en prenant possession pour la quatrième fois du fauteuil de la présidence, M. de Gagern avait prononcé quelques paroles sévèrement hautaines, qui étaient, — toute l’assemblée le comprit bien, — une réprimande et une menace à l’adresse de Frédéric-Guillaume IV. Ajoutez à cela les violences de quelques députés de la gauche, ajoutez-y les fureurs de M. Brentano s’écriant, à propos de l’amnistie (séance du 7 août) : « Voulez-vous être moins indulgens pour M. Hecker que pour un Frédéric-Guillaume ? » L’assemblée avait beau se soulever avec indignation, le président avait beau infliger à M. Brentano un énergique rappel à ordre ; les outrages n’allaient pas moins à leur but, et comme la cour de Potsdam savait bien en tirer parti, on ne faisait pas, à distance,