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duché de Posen. Enfin, après une série de discours ennuyeux ou bizarre M. Gustave Riesser défend l’article de la commission, qui est voté par une majorité assez forte, à l’exclusion de tous les projets et amendemens.

Le second et le troisième paragraphe étaient bien plus importans et renfermaient des conséquences d’une gravité singulière. Ils étaient conçus ainsi : « § 2. Aucune partie de l’empire ne pourra être réunie en un seul état avec des pays non allemands. § 3. Si un pays allemand a le même souverain qu’un pays non allemand, les rapports entre les deux pays ne pourront être réglés que d’après les principes de l’union personnelle pure. » Ces deux paragraphes emportaient la dissolution de la monarchie des Habsbourg. On sait que l’élément germanique tient peu de place dans l’empire d’Autriche, et que les membres de ce vaste corps sont presque tous des états non allemands ; or, ce que signifie l’union personnelle, dont parle le § 3, c’est simplement cette vague connexité qui relie plusieurs états, lorsque, conservant une existence propre, ils reconnaissent pourtant un seul et même souverain. Il est facile de comprendre que cette union, très suffisante peut-être sous la monarchie absolue, est tout-à-fait illusoire sous un gouvernement constitutionnel, où la volonté du souverain est tenue de se mettre d’accord avec la volonté générale. L’ancienne Autriche aurait pu accepter les conditions ; l’Autriche nouvelle, l’Autriche telle que l’ont faite les révolutions de mars et de mai, ne pouvait se prêter aux exigences des législateurs de Saint-Paul, sans signer elle-même sa déchéance et sa mort. En un mot, les § 2 et 3 de l’article 1er démembraient le plus puissant état de la confédération germanique : l’Autriche proprement dite était rattachée plus fortement à l’empire ; mais la Gallicie, l’Illyrie, la Transylvanie, la Hongrie, la Croatie, cessaient de former avec elle cette masse compacte, cette agrégation à la fois variée et forte qu’on appelle la monarchie autrichienne. Quels motifs avaient dicté à la commission cette mesure vraiment extraordinaire ? Comment se fait-il que des patriotes enthousiastes aient résolu la dispersion des forces autrichiennes, tandis que les Slaves de Bohême et les Croates de l’Illyrie se rattachaient de plus en plus à cette monarchie allemande un instant ébranlée ? D’où vient que M. Dahlmann et ses amis, ces teutomanes inflexibles, aient entrepris le démembrement d’un des grands états de l’Allemagne au moment où un étranger, le ban Jellachich s’en faisait le défenseur obstiné, presque en dépit de l’empereur lui-même ? Il y a dans tout cela des complications singulières. Les Slaves et les Croates s’attachaient à la monarchie autrichienne, parce que, ne se sentant pas assez forts pour fonder un état particulier, leur intérêt suprême était de faire vivre cette monarchie et de la transformer peu à peu en un empire slave. C’est précisément