Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 3.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de M. Waitz, qui exprime parfaitement les principales idées de cette école passionnée dont M. Dahlmann est le chef. Trancher dans le vif, comme disait M. Waitz, procéder révolutionnairement à l’œuvre de l’unité, sacrifier tout, même un état comme l’Autriche, à cette chimère du futur empire, tels sont les principes de cette école, heureusement couverts et excusés, aux yeux du parlement, par les ardeurs brûlantes du patriotisme. M. Giskra termina cette séance ; M. Giskra est Viennois et le plus éloquent orateur du centre gauche ; sa parole brillante, colorée, trop colorée souvent, et qui trahit l’homme du sud, exerce une séduction irrésistible ; il paraît que M. Giskra est un talent privilégié, à qui l’on pardonne maintes choses en faveur de la mélodie de son langage et de son juvénile enthousiasme ; il lui est permis, dit-on, de parler beaucoup sans rien approfondir ; il lui est permis aussi de ne pas être très ardemment convaincu ; son imagination lui tient lieu de tout. Dans cette discussion sur l’Autriche, M. Giskra eut un de ces succès à la fois éclatans et puérils qu’il obtient si souvent, un succès dont il n’y a presque plus rien à dire quand on n’a pas entendu la poétique voix de l’improvisateur et les bravos de la foule enivrée. M. Giskra était-il favorable ou hostile aux deux paragraphes ? J’ai relu son discours, et je n’en sais rien.

La séance suivante ne fut pas moins vive. Le noble poète Uhland, le digne chantre du patriotisme, devait se laisser entraîner sans peine : par les systèmes des teutomanes. Quoique très hostile à la Prusse, il reproduit, en effet, les principaux argumens de M. George Waitz ; il dénonce, commue lui, l’influence toujours croissante des Slaves et craint de les voir absorber l’Autriche. « Vous voulez, s’écrie M. Uhland, une Autriche puissante et redoutable, parce que sa mission, dites-vous, est de s’étendre vers l’Orient et d’y porter la civilisation germanique ; mais ne voyez-vous pas qu’elle a déjà failli à cette mission, que l’esprit allemand a subi sous son drapeau d’irréparables échecs, et que ce n’est pas au profit de l’Allemagne, mais au profit de la barbarie slave, que vous conserveriez sa puissance extérieure ? L’Autriche a une autre mission, une mission plus sacrée, qu’elle peut et doit remplir : c’est celle de s’attacher plus intimement à l’Allemagne et d’être le cœur de ce grand corps. » M. Uhland ne veut pas démembrer l’Autriche dans l’intérêt de la Prusse ; il veut, au contraire, enlever la monarchie des Habsbourg à la domination slave, il veut la ramener dans la voie de ses vraies destinées, et, en la rendant plus allemande, lui faire décerner la couronne et l’empire. On voit combien de complications combien de systèmes opposés se produisent tour à tour et obscurcissent encore ce périlleux débat. Si M. Uhland tient le langage de M. Waitz, quelle différence dans les motifs ! M. Uhland a si peur de l’influence slave pour la monarchie autrichienne, qu’il propose, en terminant, de