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le feu des démagogues, une armée sans discipline ; c’est lui qui, le 24 juin, entre les craintes de la droite et les prétentions de la gauche a décidé l’assemblée à créer elle-même le pouvoir central. Aura-t-il la même habileté ou le même bonheur aujourd’hui ? La question est plus grave, et la thèse qu’il soutient plus ingrate. Si M. de Gagern courait après la popularité, il viendrait aussi, comme tant d’autres, défendre les § 2 et 3 ; prendre parti pour les intérêts de l’Autriche devant une assemblée qui voit là un obstacle à l’unité de l’Allemagne, c’est un acte de courage qui honore autant l’intrépidité de l’orateur que l’intelligence de l’homme d’état. M. de Gagern commence par exposer avec netteté toutes les conséquences des § 2 et 3, le lien fragile de l’union personnelle se brisant bientôt, les états non allemands de l’Autriche arrachés à ses mains et livrés à tous les hasards. « Or, je le demande, au point de vue national, s’écrie M. de Gagern, pouvons-nous abandonner à elles-mêmes les parties étrangères de l’empire d’Autriche, sans nous soucier de ce qu’elles doivent devenir ? Je crois à la mission de l’Allemagne dans le monde, et je cesserais de m’enorgueillir de mon titre d’Allemand si toute notre mission se réduisait à élever une constitution derrière laquelle nous n’aurions plus qu’à jouir des douceurs du foyer. L’Allemagne a reçu la mission de civiliser l’Orient, et les peuples du Danube qui n’ont pas encore atteint la conscience d’eux-mêmes doivent être nos satellites dans cette marche continuelle vers le monde oriental. Ce n’est pas que je veuille nier le droit des nationalités. Je reconnais que l’Autriche doit évacuer les états lombardo-vénitiens, je reconnais que tôt ou tard, mais pas encore en ce moment, elle doit renoncer à la Gallicie ; ces seuls cas réservés, je n’admets pas la justesse des réclamations qui prétendent interdire à l’Autriche toute influence sur les pays qui l’avoisinent et qui sont une partie d’elle-même. Bien loin de là, le démembrement de l’Autriche serait un attentat et contre l’Allemagne, dont la mission en Orient serait rendue impossible, et contre ces peuples enfans dont le salut nous est confié. » Pour réaliser Ces principes, M. de Gagern expose tout un plan de politique ; sa conclusion est que l’Autriche doit conserver toutes ses forces, qu’elle doit les exercer librement comme si elle formait une puissance distincte, et qu’ensuite l’union de l’Autriche et de l’empire allemand sera réglée par un traité particulier. Ce discours est écouté avec une attention glaciale. Des bravos se font seulement entendre çà et là, lorsque l’orateur, en de généreuses paroles, glorifie les futures destinées de l’Allemagne mais son plan politique, mais ses vues sur l’union toute spéciale de l’Autriche et de l’empire déplaisent manifestement à l’assemblée. Conserver l’Autriche entière à la condition de lui faire sa place en dehors du droit commun de l’empire, c’est froisser tous les partis par un système inattendu ; c’est mettre contre soi et le patriotisme autrichien et les