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nouvelle toutes nos côtes du Languedoc ; mais il n’y a point de marine militaire sans marine marchande, et le développement de cette dernière dans ces parages doit être l’objet d’une sollicitude infatigable.

Rabelais, que les hommes d’état ne lisent pas assez, donne, au chapitre 50 de l’histoire de Gargantua, sur la conduite à tenir envers les pays conquis, des conseils que François Ier eût suivis sans doute, si le succès de son expédition de 1542 avait été différent. Nous n’avons pas toujours eu pour le Roussillon la sollicitude qu’il recommande ; nous l’avons long-temps négligé, ou plutôt nous nous sommes négligés nous-mêmes. Après avoir partagé toutes les destinées de la mère-patrie jusqu’en 863, cette province en a été distraite, sauf le temps de la domination orageuse et précaire de Louis XI, pendant 779 années. Une si longue séparation a laissé des traces profondes ; ainsi, dans la plus grande partie du département des Pyrénées-Orientales, la langue, ce lien le plus fort de tous entre les hommes, n’est point la nôtre ; toutes les campagnes et une partie des villes parlent le catalan. Une fusion complète entre la belle et forte population des Pyrénées-Orientales et les populations voisines sera le prix de l’élévation de ce pays au rang que réclament pour lui les intérêts les plus chers de la France entière. Nos soins ne seront nulle part mieux employés. Au recensement de 1700, la généralité de Perpignan, qui comprenait le comté de Foix ne comptait que 80,369 habitans : à les supposer également répartis sur toute la superficie du territoire, la part du département des Pyrénées Orientales devait être de 42,871. Un siècle plus tard, au recensement de 1801, la population du même pays était de 110,732 ames ; elle était, à celui de 1846, de 180,694. L’augmentation, dans ces quarante-cinq ans, est de 63 pour 100, et les départemens de la Seine et du Rhône sont les seuls en France qui en présentent une supérieure pendant la même période. Ce que le Roussillon est devenu de lui-même, et presque par le seul effet d’un repos dont il n’a joui que depuis qu’il est redevenu français, garantit les progrès qui lui seraient assurés par une assistance énergique.

Dans l’arme du soldat et l’outil de l’ouvrier, le bout le plus éloigné de la main est toujours celui qu’on acière et qu’on aiguise. De même, dans un grand état, la frontière doit être ce qu’il y a de mieux pourvu, et, quand elle est à la fois territoriale et maritime, la nécessité d’en accroître les forces et d’en multiplier les ressources devient doublement impérieuse. Cette nécessité, Vauban la proclamait pour Port-Vendres, et puisse le moment d’accomplir les vœux de ce grand homme être arrivé !

J.-J. Baude.

ERRATA

L’auteur de l’étude sur les Côtes de Roussillon, insérée dans notre livraison du 1er juillet dernier, a commis, au sujet de la ville d’Elne, une erreur d’autant plus singulière, qu’au moment où il y tombait, il avait sous la main le texte d’Eutrope, et il doit des remerciemens à ceux des lecteurs de la Revue qui l’ont relevée. Constance Chlore et Maxence étaient tous deux morts en 335. Le prince mort à Elne était Constans, fils de Constantin, et le machinateur de l’assassinat était l’usurpateur Magnence. Ce crime fut commis en 350. Puisque nous revenons sur cet évènement, nous ajouterons que la tradition locale veut de Constans ait été frappé, non dans Elne même, mais de l’autre côté du Tech, dans un quartier qui a conservé d’âge en âge le nom de la Constantine, et qui le porte encore sur les matrices cadastrales. La restauration d’Iitiberis, par Constantin est fort antérieure au meurtre de son fils Constans.