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ce moment : elle menace d’envahir Spa et les domaines d’alentour. Ô misère ! L’honnête cité va tomber sous la cravache-éventail de la danseuse outragée ! La ville est perdue, à moins que le dernier évêque de Liége ne sorte de sa tombe pour se jeter aux pieds de la comtesse de Landsfeld !

Je puis vous dire, par grand hasard, comment est tombé de son siége épiscopal et guerrier le dernier de ces évêques-princes de Liége, qui ont joué un si grand rôle dans le roman et dans l’histoire. En cherchant de vieux livres dans les vieilles boutiques, — car enfin je pouvais rencontrer sur les chemins quelque vénérable volume de François Foppens de Bruxelles, les Mémoires de la reyne Marguerite par exemple, ou les Essais de Montaigne, ornés de la tête de buffle, de la sirène et des palmes brisées, — j’ai rencontré, non pas un François Foppens de Bruxelles, mais tout simplement l’histoire de la révolution opérée à Liège le 19 août 1789, laquelle histoire se compose tout bonnement de quatre pages d’impression. Il paraît que dans ce temps-là le féroce Trautmansdorf vivait encore, puisque notre historien l’assignait au réverbère pour l’année prochaine ! Ce Trautmansdorf, qui était un des hommes d’état les plus redoutés de l’Allemagne, ne put pas empêcher la révolte de la ville de Liége, et l’histoire de cette révolution fut écrite par un religieux de Sainte-Geneviève dans une lettre à un de ses amis. On chercherait dans toute la Belgique un exemplaire de ce morceau curieux, on ne le trouverait certainement pas, eût-on la patience de notre bibliothécaire belge, feu M. Van-Praët. – « Je te fais part, cher ami, dit le bon religieux de Sainte-Geneviève, d’une révolution arrivée avant-hier à Liége, à peu près semblable à la révolution française (à peu près me semble assez joli). Les patriotes liégeois ont chassé leurs bourguemestres, régens et tous les autres officiers de la magistrature. Ils ont fait ouvrir toutes les prisons. Ils ont été chercher le prince-évêque à son château, ils l’ont conduit à l’hôtel-de-ville, et ils l’ont contraint d’admettre la nouvelle magistrature. Ensuite de quoi l’évêque a donné, du haut du balcon, sa bénédiction, qui a été reçue avec des cris d’allégresse et au son des fanfares. Tout s’est passé fort gaiement. Adieu, brave ami. » Voilà tout. Ne trouvez-vous pas que ce soit là un curieux morceau historique et un joli à peu près de l’Histoire de la Révolution de M. Thiers ?

Peu s’en est fallu cependant que la révolution de février ne fût suivie du même à peu près dans toute la Belgique, et véritablement nous aurions eu le tome deuxième de l’histoire de Liége par le génovéfain en question, si la Belgique n’avait pas compris avec une merveilleuse intelligence les dangers de sa position et la honte mêlée de ridicule dont elle se fût couverte, si elle eût reculé devant les héros de Risquons-Tout. Au contraire, comme elle voyait tous les rois voisins chanceler