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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

ne paraissait pas possible d’espérer une réduction notable dans les dépenses. La liste civile avait été fixée pour toute la durée du règne à 1,200,000 livres sterling (30 millions de francs), et cette somme ne paraît pas trop élevée quand on songe que, sous le nom de liste civile (civil list) par opposition aux services militaires, on comprenait non-seulement les dépenses personnelles du roi et de sa famille, mais celles des services publics qui étaient généralement considérés comme des émanations directes de la personne royale, c’est-à-dire ce qui forme en France les ministères de la justice et des affaires étrangères. Restaient les armemens de terre et de mer et les fortifications ; l’armée de terre n’exigeait pas moins de 4 millions sterling par an (100 millions de fr.). La marine absorbait plus de 3 millions sterling (75 millions de fr.), l’ordnance (artillerie et fortifications) et les services divers (miscellaneous) près de 1 million sterling (25 millions de francs).

Le revenu public, tel qu’il était constitué en 1784, était loin de faire face à ces dépenses nécessaires. Les recettes publiques (national income) se divisaient en six grandes branches : 1o les douanes (customs), 2o l’excise, 3o le timbre (stamp), 4o l’impôt sur les terres (land tax), 5o l’impôt sur la drèche (malt tax), 6o les taxes additionnelles ; mais il n’y avait pas eu d’unité dans l’origine de ces différens impôts, et il n’y avait aucune règle d’ensemble dans la perception et la distribution de leurs produits.

Le principal de tous, celui des douanes, qui donne encore au trésor public anglais la plus grande partie de ses revenus, datait en quelque sorte des commencemens de la monarchie. Il ne paraît pourtant pas qu’il ait été dressé de recueil de tarifs avant le règne de Marie ; le droit grossièrement perçu alors sur les importations a été estimé à 3 pence par livre de la valeur. Des actes de Charles II et de Jacques II avaient commencé à régulariser l’établissement des douanes, mais ce n’était toujours que sous le règne de Guillaume III que cet impôt avait pris son assiette définitive. Son accoisement avait été en quelque sorte parallèle à celui de la dette ; toutes les fois qu’un nouvel emprunt avait été négocié, on avait établi un droit nouveau ou élevé les tarifs pour donner des garanties aux créanciers de l’état. Par la suite des temps, ces additions étaient devenues si nombreuses et si compliquées, que certains articles étaient assujettis à quatorze droits différens ; chacun de ces droits devait être calculé à part par les officiers des douanes, ce qui donnait lieu à des opérations embrouillées, d’une lenteur infinie, et qui prêtaient singulièrement à l’erreur ou à la fraude par la multiplicité de leurs détails.

Ce n’était pas tout : la contrebande était arrivée, à la faveur des désordres de la guerre, à un degré d’organisation qui menaçait de tarir les sources mêmes du revenu public. On évaluait à quatre millions le