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qu’abhorrait le plus l’ame rêveuse de Vavasour. Et pourtant, par l’excitation même du contraste, elle en éprouvait pour son cousin un amour plus vif. La sauvagerie distinguée de Vavasour, sa susceptibilité de sensitive, son dédain pour les vulgarités de la vie, son humeur songeuse, son talent d’artiste, faisaient de lui, aux yeux d’Augusta un être bien supérieur aux jeunes gens irréprochables qui coquetaient autour d’elle au parc ou au bal. Après une longue séparation, une circonstance récente les avait rapprochés. Les Darby, voyageant en Italie, rencontrèrent les Missenden à Palerme. En ce moment, lord Missenden tomba malade ; on crut sa maladie mortelle. Vavasour fut appelé à Palerme. Ce fut alors qu’il quitta Angela. Il n’avait pas eu le temps d’aller lui apprendre son départ ; mais il lui écrivit, et, pensant à la gêne de sa famille, il la priait d’accepter en attendant son retour, un billet de banque glissé dans la lettre. Cette lettre n’avait jamais été remise. Vavasour passa donc plusieurs mois à Palerme auprès d’Augusta. Il était rempli de la pensée d’Angola Nevil ; il souffrait de ne point recevoir de réponse ; son éloignement pour sa cousine ne fit que s’accroître. Quand les deux familles rentrèrent en Angleterre, il s’arrangea pour revenir seul. À peine débarqué, il chercha partout Angela ; toutes ses démarches furent inutiles. La seule personne qui eût pu le mettre sur les traces de sa maîtresse lui dit, pour le dépister, qu’elle s’était mariée et avait quitté l’Angleterre. Alors, le cœur brisé, il céda avec l’inertie du désespoir aux obsessions de ses parens. Il consentit à un mariage qui devait d’ailleurs, lui disait-on, arranger les allures de sa famille. Il écrivit à Augusta, demanda le pardon de ses négligences passées, et annonça sa prochaine arrivée au château où résidaient les Darby.

On devine le reste : la reconnaissance d’Angela et de son Carteret, la double blessure sous laquelle Angela tombe gémissante et navrée et sous laquelle Augusta éclate en spasmes déchirans, le trouble des deux familles, l’anéantissement de Vavasour ; puis, après le coup le foudre, les assauts de générosité des deux jeunes filles victimes innocentes l’une de l’autre, et la lutte de Vavasour entre le devoir et l’amour. Joan Grant intervient dans cette crise ; tout le monde a recours à elle ; elle est la confidente de chacune de ces douleurs. Cette dame de bon secours me rappelle la bonne Mme Dorsan de Marianne. Elle parvient enfin à démêler toutes ces ames, à guérir ces déchiremens, à concilier ces intérêts. La fougueuse et fière Augusta renonce à son cousin. Vavasour épouse Angela.

On dira peut-être à la fin de cette analyse que la fable d’Angela est vulgaire. Il n’y a qu’un mot à répondre : tous les sujets sont vulgaires. La distinction et l’originalité ne sont que dans la mise en œuvre. Dans un résumé de trois pages, je n’ai pas la prétention d’avoir dominé une