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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

des propriétaires des navires, qui réclamaient en vain, et sous la protection d’un corps de troupes qu’on avait fait venir à Deal et dans d’autres ports fréquentés par la contrebande. Pitt se mit avec la même résolution à la poursuite de tous les abus. Donnant un exemple qu’aucun ministre n’avait donné avant lui, il pénétra dans les moindres détails des administrations les plus compliquées et entreprit de supprimer toutes les dépenses inutiles. Les hommes vieillis dans les affaires le voyaient avec un étonnement mêlé de pitié s’engager dans cette œuvre immense, et, tout en admirant sa bonne foi, souriaient de sa présomption.

Le comte d’Adhémar, alors ambassadeur de France auprès de la cour de Londres, écrivait à son gouvernement, le 20 février 1785, au sujet de ces réformes : « Il est probable que M. Pitt ne résistera pas à la terrible besogne dont il s’est chargé et qu’il entreprend avec un courage plus propre à marquer son zèle que son expérience. Il a osé entrer dans l’examen de tous les gages, de tous les émolumens, de tous les profits illicites que les trésoriers et caissiers retirent de l’argent qui séjourne dans leurs mains. Il a voulu que la perception fût plus simple, moins onéreuse et d’une fluidité plus rapide dans le trésor national. Il a mis, en conséquence, des empêchemens à tous les écoulemens d’argent illicites ; il a retranché sur les gages ; en un mot, il a proposé plusieurs bills pour consolider cette grande opération contre les abus. Sa motion a passé. Vous jugez bien que c’est un homme perdu. L’on n’attaque pas impunément les financiers et les gens avides. Il est dangereux dans tous les pays du monde de faire le bien général sans s’arrêter à la considération des intérêts particuliers. Heureux cependant les hommes à qui les circonstances fournissent le développement de ce caractère honorable ! Ils ont la vénération des honnêtes gens ; telle sera la récompense de M. Pitt, soit qu’il tombe ou qu’il reste en place. »

Pitt ne tomba pas, et le pronostic de M. d’Adhémar, assez généralement fondé, se trouva faux pour l’Angleterre.

Cependant les effets des mesures prises commençaient à se faire sentir. Les revenus publics montaient. Le 11 avril 1785, Pitt fit connaître au parlement les résultats des deux derniers trimestres ; en les comparant à ceux de l’année précédente, il fit ressortir un progrès sensible. Il exprima l’espoir que, dès l’année suivante, les recettes du pays balanceraient les dépenses et donneraient même un excédant qui pourrait être appliqué à liquider la dette nationale. Avait-il réellement l’espoir qu’il exprimait, ou cette affirmation prématurée n’était-elle pour lui qu’un moyen de relever la confiance publique ? Peu importe ; en pareil cas, l’illusion même est utile, et, quand Pitt aurait trop compté sur lui-même, il n’aurait fait que puiser dans cet excès de confiance le courage dont il avait un si grand besoin. Quand il ouvrit son budget, le