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de réduire à leur juste valeur des prétentions souvent exorbitantes, et de se placer, pour les apprécier, au point de vue de l’intérêt général, aussi bien que des vrais devoirs du gouvernement. Or, venir en aide à des incapacités constatées, alors qu’il conviendrait de leur dire : Soyez plutôt maçons, — c’est plus qu’un gaspillage des deniers publics c’est une inhumanité. L’état se montrerait prévoyant et charitable, s’il affectait la moitié du budget des arts à détourner d’un labeur inutile maint débutant que ses faveurs mal placées ont confirmé dans la fausse voie où il s’est engagé. La même somme dont on lui paie une méchante toile l’eût aidé à devenir un bon ouvrier, tandis qu’elle le conduit souvent à l’hôpital, et quelquefois aux barricades.

Le tryptique en six compartimens de M. Maison, représentant l’Histoire de l’ame, est encore un de ces essais stériles dans le goût de l’école moderne allemande, dont il faudrait désormais laisser la monotone reproduction à nos émules d’outre-Rhin. La mode est un peu passée de ces paradoxes néo-catholiques ; on a fini par reconnaître que la raideur des attitudes, la maigreur des lignes, l’absence de composition, ne suffisaient pas pour constituer un style, et que nous sommes décidément devenus trop habiles pour ressaisir le sentiment sublime et naïf qui illumine dans les giottesques les pauvretés de la forme. Nous avons irrémédiablement touché à l’arbre de la science. L’expérience et le savoir éclectique ne nous rendront jamais la poésie de nos jeunes années. M. Owerbeck, avec toute la candeur mystique de son ame allemande et la ferveur de sa foi catholique, n’y a pas réussi. En France, M. Flandrin seul a montré dans quelle mesure l’art moderne pouvait, sans s’annuler, faire des emprunts au moyen-âge. Evitant le parti pris et l’idolâtrie exclusive de tel ou tel maître, il n’a conservé de son commerce avec eux que ce qu’il fallait pour ennoblir et poétiser son style, et pourtant on sent encore trop d’habileté sous le calme et la simplicité antiques de ses deux grandes compositions de Saint-Germain-des-Prés. Ce n’en est pas moins une gloire pour M. Flandrin que d’avoir su établir des rapprochemens entre ses fresques et celles d’incomparable chapelle du Carmine.

Revenons à M. Maison. Son grand tableau de la Messe pontificale à Rome le jour de Pâques laisse voir dans quelques parties un ressouvenir plus intelligent des anciens. Quelques profils de prélats agenouillés à droite et à gauche de l’autel, et tenant un cierge à la main, ressemblent à ces figures de donataires que les artistes du moyen-âge ne manquaient jamais de placer dans leurs compositions, comme on le voit particulièrement à Florence, à Santa-Trinità, dans la chapelle des Sassati, peinte par Ghirlandajo. M. Maison, dans cette grande composition, représente Pie IX officiant sous le fameux baldaquin à colonnes torses de Bernin. Il a choisi le moment où le pape élève l’hostie