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simple tête d’étude aux cheveux chastement relevés, et qu’entoure une guirlande de roses nouée avec une gracieuse négligence, et pourtant cette tête toute petite et toute simple a un charme indéfinissable qui vous émeut et vous captive, comme l’image d’un rêve de mai depuis long-temps envolé. C’est qu’à l’attrait d’une pure exécution, condition toujours indispensable dans les arts plastiques, elle unit une sorte de beauté triste et fait naître dans l’ame du spectateur la méditation rêveuse. C’est en faisant vibrer cette corde de poésie intime que M. Gleyre obtint, on s’en souvient, son premier succès, et l’on retrouve l’empreinte d’un sentiment analogue dans tous les ouvrages de peinture et de sculpture qui ont survécu depuis quelque temps. Une passagère popularité. Le salon de 1849 contient quelques œuvres de ce genre, un bien petit nombre, cela est vrai ; mais enfin, quand il ne devrait rester de chaque exposition annuelle que deux ou trois morceaux, n’y aurait-il pas lieu de se tenir pour satisfait ? Outre le ravissant petit buste de M. Fourdrin, nous avons distingué la Pénélope de M. Cavelier, et, dans la peinture, quelques paysages, ceux de M. Corot surtout, où un heureux mélange de naturalisme et de rêverie inconnu avant notre époque engendre des beautés vraiment originales. C’est pourquoi, si en face du passé nous sommes forcés d’avouer notre infériorité et de constater dans l’art une décadence, ne faisons pas l’avenir trop désespéré. La levée de boucliers et la croisade aveugle contre la ligne et la forme, qui par momens semblent menacer de nous ramener à la barbarie, auront même un utile résultat en nous rapprochant davantage de la nature. L’étude épurée de cette mère du beau et du vrai sera toujours une source de régénération plus sûre que la reproduction, quelque parfaite qu’elle puisse être, du passé.


F. DE LAGENEVAIS.