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à accomplir de nouveaux progrès, la télégraphie électrique avançait à pas de géant dans la carrière. Long-temps vaincue, elle grandissait tous les jours en puissance, et un jour vint où il fallut sérieusement compter avec cette rivale presque oubliée.


III

Tous les essais entrepris avant les premières années de notre siècle pour appliquer l’électricité au jeu des télégraphes ne s’écartaient guère, à vrai dire, des conditions d’une belle utopie philosophique. L’électricité statique est un agent si capricieux, si difficile à maîtriser, que l’on ne pouvait raisonnablement en espérer aucun avantage sérieux dans un service régulier et continu. La découverte de la pile de Volta vint changer profondément la face de cette question. On sait que la pile électrique, découverte par Volta en 1800, est un instrument qui fournit une source constante d’électricité, électricité sans tension, c’est-à-dire qui n’a aucune tendance à abandonner ses conducteurs. La pile voltaïque offrit donc un moyen de faire agir l’électricité à travers un espace très étendu sans déperdition du fluide pendant le trajet.

Il restait cependant à remplir une condition capitale : il fallait rendre sensible à distance la présence de l’électricité par une action mécanique ou physique d’une intensité suffisante. Ce dernier pas fut heureusement franchi par la découverte bien connue du physicien danois OErsted. Dans l’année 1820, Œrsted découvrit ce fait fondamental, que les courans électriques produits par la pile de Volta ont la propriété d’agir sur l’aiguille aimantée et de la détourner de sa position naturelle. Si l’on fait circuler autour d’une aiguille aimantée un courant voltaïque, on voit aussitôt l’aiguille dévier brusquement, osciller pendant quelques instans, et abandonner sa direction vers le nord. La possibilité d’appliquer ce fait remarquable à l’art télégraphique fut bien vite saisie par les physiciens. Voici, par exemple, ce qu’écrivait Ampère très peu de temps après la découverte d’OErsted : « D’après le succès de cette expérience, on pourrait, au moyen d’autant de fils conducteurs et d’aiguilles aimantées qu’il y a de lettres, et en plaçant chaque lettre sur une aiguille différente, établir, à l’aide d’une pile placée loin de ces aiguilles et qu’on ferait communiquer alternativement par ses deux extrémités à celles de chaque conducteur, une sorte de télégraphe propre à écrire tous les détails qu’on pourrait transmettre, à travers quelques obstacles que ce soit, à la personne chargée d’observer les lettres placées sur les aiguilles. En établissant sur la pile un clavier dont les touches porteraient les mêmes lettres et établiraient la communication par leur abaissement, ce moyen de correspondance pourrait avoir lieu avec assez de facilité, et n’exigerait que le temps nécessaire pour toucher d’un côté et lire de l’autre chaque lettre. »

Le principe de la déviation de l’aiguille aimantée par l’influence d’un courant électrique a servi à construire plusieurs télégraphes ; tels sont ceux de Richitie et d’Alexander d’Edimbourg. Cependant ces appareils présentaient un vice capital qui devait singulièrement en compliquer le jeu : c’était la nécessité d’employer un grand nombre de fils métalliques pour indiquer les diverses lettres de l’alphabet. Le télégraphe d’Alexander employait trente fils de cuivre. Ainsi le problème n’était pas encore résolu, et la télégraphie électrique, pour atteindre