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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

pour sa grande réforme financière ; il la remplit, au contraire, par une des plus importantes améliorations qu’il ait réalisées. Nous avons dit quelle confusion régnait dans la perception des douanes, de l’excise et du timbre. Le ministre n’entreprit rien moins que de porter l’ordre dans ce chaos. Après avoir mûri de longue main ses idées, il soumit au parlement, dans le cours de cette session, un plan général connu sous le nom de consolidation. Les innombrables droits alors existans devaient être abolis et remplacés par un droit unique sur chaque article équivalant autant que possible à l’ensemble des anciens ; de plus, les produits divers de ces trois grandes branches du revenu public, au lieu d’être affectés séparément, comme par le passé, à des destinations spéciales, devaient être réunis en un seul fonds, appelé fonds consolidé, qui servirait d’abord à payer les créanciers de l’état, et dont le surplus, s’il y en avait, serait applicable aux dépenses publiques. Par cet arrangement, chacun des créanciers de l’état perdait sa garantie particulière ; mais Pitt soutenait que l’état avait toujours le droit de changer la nature du gage qu’il donnait à ses créanciers, pourvu que le gage nouveau fût substantiellement égal à l’ancien. Si ce droit était refusé au parlement, il serait impossible, disait-il avec raison, de rien changer à une taxe une fois établie. Du reste, pour couper court à toute objection, il proposa de déclarer que, dans le cas où l’ensemble des ressources réunies dans le fonds consolidé ne suffirait pas pour faire honneur aux engagemens de l’état, il y serait pourvu au moyen des subsides votés annuellement par le parlement.

En même temps, il proposa de nombreuses améliorations de détail dans les services. Ainsi, d’après les règles existantes, la valeur des marchandises assujetties par la douane à un droit ad valorem était affirmée sous serment par l’importateur ; on s’était plaint souvent de cette disposition qui donnait lieu à de nombreux parjures. Pitt demanda qu’à l’avenir la déclaration des valeurs fût faite seulement par écrit par le propriétaire ou son agent ; pour défendre les intérêts du fisc, les officiers des douanes devaient avoir le droit de prendre pour le compte de l’état les marchandises au prix d’évaluation, en ajoutant 10 pour 100 pour représenter les bénéfices probables des marchands. Ces principes sont ceux qui ont été adoptés depuis par les premières nations européennes, et qui sont considérés en quelque sorte aujourd’hui comme élémentaires en matière de douane. D’autres mesures du même genre furent prises pour simplifier également la perception des droits de l’excise et du timbre. Ce vaste plan, qui ne comptait pas moins de trois mille résolutions de détail, rencontra dans le parlement une faveur universelle. Pitt le développa avec une si merveilleuse clarté et une connaissance si approfondie de la matière, qu’il obtint même les applaudissemens de l’opposition. Burke déclara le premier que ceux qui, comme lui, croyaient