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visions surprenantes et les spectacles bizarres qui passent devant notre esprit à la lecture des livres et des journaux socialistes. Nous vous promettons néanmoins une description fidèle de ce culte nouveau, de cette religion de l’avenir, aussitôt que nous aurons compris.

Après les radicaux, on pourrait indifféremment citer tous les systèmes politiques, toutes les écoles, tous les hommes qui ont écrit, parlé, prêché, discuté, enseigné dans notre temps ; mais prenons les adversaires directs des radicaux, les économistes. Chez eux, la vérité de notre assertion apparaît sans réticences et sans nuages. Leurs écrits portent l’empreinte d’un seul souci, celui de propager, d’étendre, de réaliser la prépondérance du principe humain. Ils écartent respectueusement ou hypocritement, modestement ou avec outrecuidance, tout ce qui est du ressort de la morale et de la religion, et disent : Ceci n’est pas de ce monde, ceci n’est pas du ressort de nos études, ceci intéresse la philosophie. Ils recherchent les causes de la misère, et ils n’ont rien à démêler avec la philosophie, disent-ils ; ils cherchent les remèdes les plus efficaces afin de l’éteindre ou de l’atténuer, et ils n’ont rien à démêler avec la religion ; ils font des statistiques énumèrent, groupent et décrivent les vices, et ils n’ont rien à démêler avec la morale. Aussi voyez ce qui arrive ! Un instinct enflammé pousse les radicaux, ils ont à leur disposition tous les feux de l’enfer, qui brûlent, mais n’éclairent pas une intelligence sans chaleur guide les secondes, qui voient et observent bien, qui éclairent, mais qui sont incapables d’engendrer et de créer. Les radicaux n’ont en eux d’autre ame que l’ame dont parle Platon, et qui loge dans les entrailles ; les économistes n’ont d’autre ame que l’understanding des Anglais. Aucun ne possède l’ame que les Grecs appelaient logos. Comment se fait-il donc que les économistes, qui sont très compatissans en intention, qui sont ce qu’on peut appeler des philanthropes éclairés, aient en résumé aussi peu d’action dans la réalité, aussi peu d’initiative ? Ah ! c’est que, pour améliorer le sort de ses semblables, il ne suffit pas de le leur dépeindre. Pour les retirer de la fange, il ne suffit pas de leur dire qu’ils y sont, il faut oser y entrer avec eux. Il ne suffit pas des sentimens philanthropiques, il faut une force morale qui s’appelle charité. Les règlemens de police sont une bonne chose, l’administration est une bonne chose ; on peut prévenir par leur moyen la mendicité, le vagabondage, le vol ; on prévient l’action, mais on n’empêche pas la pensée ; on prévient les effets du mal, on n’empêche pas sa naissance. Pour réaliser le bien, il faut semer le bien, et ce n’est pas extirper le mal que de le faucher. La police fait chaque jour enlever et balayer les boues de nos villes ; néanmoins nos rues et nos places seraient toujours humides sans l’action bienfaisante de la lumière du ciel. Ce n’est pas assez que d’avoir pour soi l’intelligence et même d’avoir raison en ces matières, ce n’est