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PITT ET LES FINANCES ANGLAISES.

bles pour les thés et les spiritueux, on pouvait s’étonner qu’il y eût en ce moment tant de bruit pour si peu de chose ; mais sous la question financière se cachait la question politique. L’opposition, si souvent battue, avait vu enfin l’infaillibilité de Pitt mise en doute par la présentation de son budget, et elle espérait profiter de l’impopularité de l’excise pour achever de l’ébranler.

Aux communes, le débat s’engagea d’abord sur le budget proprement dit. Sheridan avait beau jeu cette fois, et il n’eut garde de perdre ses avantages. La chambre s’étant formée en comité le 10 juillet pour examiner le rapport de Pitt, le contradicteur habituel du premier ministre en matière de finances prononça un de ses plus éloquens discours. Il accusa Pitt d’avoir trompé la nation en lui dissimulant le véritable état de ses finances pour lui présenter le tableau d’une prospérité illusoire, et s’efforça de prouver les quatre propositions suivantes :

1o Que, pendant les trois dernières années, les dépenses de l’Angleterre avaient excédé ses revenus de 2 millions sterling par an, et qu’il était vraisemblable qu’il en serait de même l’année présente et l’année suivante ;

2o Que les calculs fondés sur les rapports du comité de 1786 s’étaient trouvés en défaut sur tous les points ;

3o Qu’au lieu d’avoir fait aucun progrès dans la réduction de la dette nationale, l’Angleterre était plus endettée qu’auparavant ;

4o Qu’enfin l’état actuel des revenus et des dépenses ne donnait aucune raison d’espérer pour l’avenir une réduction de la dette.

Ces affirmations étaient aussi exagérées dans leur sens que celles de Pitt dans le leur ; mais il y avait assez de vrai pour donner à un esprit aussi fécond et aussi exercé que celui de Sheridan le sujet de développemens spécieux. Il n’eut pas de peine à prouver que, quant aux dépenses, le comité les avait réduites outre mesure, ainsi que l’opposition l’avait fait remarquer dans le temps. Au lieu de 14 millions sterling de dépenses annuelles annoncées par le comité, il s’en trouvait une moyenne de plus de 17 dans ces trois années. Pour ne citer qu’un exemple, l’artillerie, portée pour 350,000 livres sterling par les commissaires de 1786, en avait absorbé annuellement plus de 600,000. Quant aux recettes, Sheridan était bien forcé de reconnaître qu’elles s’étaient maintenues à peu près au taux annoncé par le comité ; mais, même en admettant qu’elles eussent été, en effet, de 15 millions sterling par an, elles étaient restées de 2 millions au-dessous des dépenses.

Pitt ne put pas répondre lui-même à ce discours ; il était retenu chez lui par un accès de goutte. Ce fut Grenville, secrétaire d’état, qui répondit à Sheridan comme rapporteur du comité de 1786. Il se défendit avec chaleur d’avoir trompé le pays. Les estimations de dépenses pré-