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SACS ET PARCHEMINS.

Trélade, et prend la liberté de mettre aux pieds de Mlle Levrault quelques roses de son jardin. »

— Vous le voyez, monsieur, dit maître Jolibois, vous arrivez à peine, et déjà les plus grands noms du pays s’empressent au-devant de vous.

— Je suis touché, je ne m’en défends pas. Galaor, remercie pour nous le vicomte Gaspard de Montflanquin, ton maître. Dis-lui que nous avons fait le voyage en chaise de poste attelée de quatre chevaux, et que demain, à quelque heure qu’il se présente, nous serons heureux de le recevoir.

Galaor s’inclina respectueusement ; ses guêtres de drap, son chapeau galonné et ses boutons de métal au chiffre couronné du vicomte, disparurent bientôt au détour de l’allée.

— Eh bien ! mon cher Jolibois, il paraît que j’étais attendu ? dit M. Levrault en prenant le bras du notaire avec une familiarité charmante.

— Avant huit jours, monsieur, vous verrez toute l’aristocratie des environs se presser dans vos salons et sous les ombrages de ce parc. Vous entendrez retentir autour de vous de bien grands noms, des noms bien illustres ; mais sachez bien qu’à vingt lieues à la ronde, il n’y en a pas de plus grand ni de plus illustre que celui du vicomte Gaspard de Montflanquin.

— Je le crois. Ne m’avez-vous pas écrit qu’il est d’une maison qui se rattache, par ses alliances, aux Baudouin et aux Lusignan ? À ce compte, il serait un peu parent du vieillard qui s’exprime en si beaux vers dans la tragédie de Zaïre ?

— Précisément, monsieur.

— Je serai fier, je l’avoue, de lui toucher la main.

— Ajoutez que, s’il est le dernier de sa race, il méritait d’en être le premier. Jamais plus noble cœur ne battit dans la poitrine d’un gentilhomme. Disons le mot, c’est un caractère antique. Il se rallia, voilà quelques années, à la branche cadette. Les motifs qui le décidèrent ne sont pas encore bien connus. Soit qu’il désespérât du retour de la légitimité, soit qu’il fût ébranlé par d’augustes instances, soit enfin qu’il voulût fermer le gouffre des discordes civiles, toujours est-il que le vicomte de Montflanquin ne pensa pas devoir refuser plus long-temps l’appui de son nom au trône de juillet. Quelques-uns l’ont blâmé, d’autres l’ont approuvé.

— Il a bien fait, dit vertement M. Levrault ; je n’aurais pas agi autrement à sa place.

— Savez-vous, monsieur, ce qui fut dit entre le roi et le vicomte de Montflanquin quand celui-ci se présenta pour la première fois à la cour ?

M. Levrault devint tout oreille ; Laure, qui marchait en avant, le long des charmilles, se rapprocha de maître Jolibois. Sûr de son auditoire, maître Jolibois poursuivit :