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— Ah ! diable ! dit l’écrivain sans s’émouvoir, tandis que la jeune fille passait une de ses longues nattes sur ses beaux yeux mouillés de larmes. – Ainsi, ce sont des adieux ?

Un sanglot fut la seule réponse de la china ; puis, se penchant vers l’oreille du vieux scribe, elle s’efforça de lui dicter une courte lettre non sans faire de fréquentes pauses pour reprendre haleine et donner carrière à ses larmes. Jamais le contraste de la vieillesse impassible et de la jeunesse passionnée ne m’avait paru plus émouvant. Je n’étais pas le seul à le remarquer, et chaque promeneur qui venait à passer devant l’échoppe de Tio Luquillas ne manquait pas de jeter sur la jeune china un regard de commisération et de curiosité. L’évangéliste venait de plier la lettre, à laquelle l’adresse seule manquait, lorsqu’un passant, plus hardi ou plus curieux que les autres, vint se jeter brusquement au travers de l’entretien. La physionomie de ce nouveau venu ne m’était pas inconnue, et je me souvins que, placé à côté de moi au cirque des taureaux, il m’avait, quelques jours auparavant, en véritable amateur, commenté de la façon la plus attrayante un spectacle que j’aimais passionnément. Le moment étant peu favorable pour questionner à mon tour l’évangéliste, je ne crus pas devoir me rapprocher du groupe, et je restai à quelques pas de la boutique, attendant avec patience le moment où le nouveau visiteur de Tio Luquillas se serait éloigné. Cet homme, qu’une heure ou deux de causerie m’avaient seules fait connaître, m’inspirait une sorte d’intérêt. Il était âgé de quarante ans environ. Ses traits ne manquaient pas de noblesse, malgré l’expression de sombre ironie qui venait souvent en altérer la régularité. À défaut du souvenir de notre première rencontre, l’étrangeté de son costume eût suffi pour me le faire remarquer. L’amateur de taureaux portait un ample manteau bleu doublé de rouge ; et il avait pour coiffure un vaste sombrero de vigogne fauve à larges galons d’or.

— Pour qui est cette lettre, mon enfant ? demanda-t-il à la china avec un certain air d’autorité.

La jeune fille désigna de la main la prison du palais présidentiel, et murmura un nom que je n’entendis pas.

— Ah ! c’est pour Pepito ? répliqua l’inconnu à haute voix.

— Hélas ! oui, et je ne sais comment lui faire parvenir ma lettre, répondit la jeune fille.

— Eh bien ! ne soyez pas en peine. Voici une occasion que le ciel vous envoie.

En ce moment, la foule évacuait les galeries pour se porter tumultueusement sur la Plaza Mayor. Quel était le motif de cette brusque alerte ? Un fait trop commun à Mexico, un assassinat qui venait d’être commis sur la voie publique. On avait saisi le meurtrier, relevé la victime, et le funèbre cortège s’acheminait vers la prison la plus voisine. Cette prison était précisément celle où était renfermé l’amant de la