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Un jour d’émeute, la reine Marie-Henriette, apercevant de la fenêtre de son palais un grand drôle d’apprenti qui agitait devant le peuple sa tête tondue, s’écria : « Oh ! la belle tête ronde ! » Le mot de la princesse française resta la désignation du parti populaire. Le peuple, de son côté, en voyant passer les élégans et vaillans amis du roi, ces gentilshommes aux têtes martiales et fines, aux moustaches retroussées, aux longs cheveux flottans sous le feutre relevé et la plume ondoyante, ces vivans modèles des portraits de Van Dyck, que les Italiens ont si bien nommé il pittore cavalieresco, le peuple leur jetait à la face, comme une injure, le mot français de cavalier, lequel, devenu le nom du parti royaliste, est demeuré un des mots les plus poétiques, les plus nobles et les plus anglais de la langue anglaise. À l’avènement de Jacques II, les partis avaient pris les sobriquets de couleur plus locale qui durent encore : ils s’appelaient whigs et tories. Il faut avoir une idée exacte de leurs principes et de leur caractère à cette époque ; car, comme l’observe M. Macaulay, deux fois, dans le cours du XVIIe siècle, les deux partis suspendirent leurs dissensions et unirent leurs forces dans une cause commune. Leur première coalition restaura la monarchie héréditaire ; leur seconde coalition fit la révolution de 1688 et fonda la liberté constitutionnelle.

Les tories ou les cavaliers comprenaient la majorité de l’aristocratie et de la gentry, cette classe des nobles non titrés qui possédait le sol ; le corps entier du clergé, les deux universités de Cambridge et d’Oxford, grands séminaires de l’église anglaise et foyers uniques de la science et des lettres, et enfin tous les hommes attachés à la forme épiscopale et au culte anglican. À eux se joignaient aussi les catholiques protégés par une reine de leur foi, sous Charles Ier, et que les Stuarts avaient toujours traités avec indulgence. Dans le même camp se trouvaient encore les satellites naturels de la majesté royale, les seigneurs de cour, plus les hommes de luxe et de plaisir effarouchés de la rigidité puritaine, et à leur suite les poètes, les peintres, les artistes, ces riches mendians et ces illustres vagabonds qui courent toujours après ce qui rit, ce qui paillète et ce qui piaffe. La portion la plus nombreuse et la plus respectable de ce parti avait pour l’église et le roi un attachement de cœur et de tradition plutôt que de réflexion. La foi politique du cavalier était dans ses instincts et dans ses mœurs ; il aimait le passé et respectait les formes antiques, parce que tout ce qui rendait sa vie heureuse et fière, sa religion, son patrimoine, son blason, avait pris dans les lointains du souvenir les teintes augustes et séduisantes du passé. C’était le parti des vieilles mœurs, faciles et joviales, de l’ancienne chevalerie et de la galanterie moderne, le parti du sol, le parti national par excellence. La guerre civile avait laissa dans la mémoire de ce parti une épopée d’héroïsme, de malheur et de