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l’admirable récit dans M. Macaulay. Après la fuite du roi, les deux chambres du parlement avaient à organiser le gouvernement nouveau Alors les deux grands partis qui s’étaient unis pour défendre les libertés contre Jacques il se divisèrent. Leur union avait été nécessaire pour le triomphe, leur division servit à modérer la victoire et à en mieux définir le caractère. Les tories et le clergé s’efforcèrent de faire rentrer le plus possible l’ordre de choses nouveau dans leurs principes traditionnels. Les uns auraient voulu qu’on négociât avec Jacques II, et qu’on lui rendît le trône en stipulant des garanties solides contre le retour des abus anciens : c’était le plan de Sherlock et de ceux qui persistaient à regarder la légitimité comme une institution d’ordre divin ; d’autres, comme l’archevêque de Cantorbéry, Sancroft, trouvaient un autre biais pour assurer les résultats de la révolution en respectant le même principe. Jacques, suivant eux, par ses fautes, s’était montré aussi incapable de gouverner qu’un enfant ou un insensé : on ne pouvait lui enlever le titre royal tant qu’il vivrait ; mais, sous son nom, on pouvait confier le gouvernement à une régence. Il y avait un troisième plan, celui de Danby et des politiques, qui avait encore la prétention de concilier la révolution avec la légitimité ; ceux-ci allaient plus loin : à leurs yeux, la fuite de Jacques était une abdication de fait ; les droits du prince de Galles étaient incertains, la légitimité de sa naissance était contestée, la princesse d’Orange avait demandé une enquête sur l’accouchement de Marie de Modène. En quittant l’Angleterre avec sa femme et son fils Jacques II avait rendu impossible la vérification des droits du prince de Galles, et le trône revenait légitimement à la Princesse d’Orange. Les whigs, au contraire, voulaient frapper en face la légitimité. Suivant eux, le pouvoir royal ne se soumettrait jamais au contrôle parlementaire tant que, regardant le parlement comme d’institution humaine, il se considérerait lui-même comme étant d’une nature supérieure et d’origine divine. Suivant eux, les droits de la royauté, comme les droits du peuple, devaient émaner d’une même source, un contrat ; c’est pourquoi ils voulaient déclarer le trône vacant et donner la couronne au prince d’Orange. Les tories auraient sans doute victorieusement résisté à cette prétention, si le prince d’Orange ne se fût prononcé et n’eût signifié aux meneurs, d’accord avec sa femme, qu’il retournerait en Hollande plutôt que de n’être que le mari de la reine. Le plan des whigs l’emporta donc. Les lords, qui, une première fois, par respect pour le droit héréditaire, avaient voté que le trône n’était pas vacant, consentirent à voter le contraire à une seconde épreuve. Guillaume et Marie furent déclarés roi et reine par l’acte célèbre connu sous le nom de déclaration des droits, où les titres de la royauté nouvelle furent placés sous la même sanction que les libertés héréditaires du peuple anglais.