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d’un gouvernement que j’ai servi, et, ce qui m’est bien plus précieux encore, les droits de la justice et de la vérité. Ce n’est pas d’ailleurs une vaine discussion sur le passé qu’il s’agit d’entreprendre : le passé est ici un enseignement pour l’avenir. S’il était vrai que le gouvernement de juillet, malgré le rapide accroissement de ses revenus, eût laissé ouvert après lui le gouffre du déficit, il faudrait reformer d’urgence le régime nouveau, qui n’a fait autre chose jusqu’ici que d’ajouter à l’ancien budget des dépenses et de retrancher de l’ancien budget des recettes. S’il est vrai au contraire, comme nous espérons le démontrer avec évidence, que ce gouvernement, après dix-sept années remplies par tant de grandes entreprises, a balancé ses dépenses ordinaires par ses recettes ordinaires, et préparé pour ses grands travaux publics les ressources qui devaient en payer le prix, l’exemple, pour venir d’un gouvernement tombé, ne sera pas à dédaigner.

Le moment est venu d’ailleurs de discuter cette grande question avec des documens certains. Le règlement définitif du dernier exercice de la monarchie vient d’être soumis à l’assemblée. Nous ne connaissions jusqu’ici que des situations provisoires : ces situations font connaître le passé plus que le présent. Notre comptabilité se propose pour objet de rapporter à chaque année les faits de dépense et de recette qui la concernent, elle écrit l’histoire de chaque exercice ; mais, pour que cette histoire soit exacte, il faut que l’exercice soit terminé. Jusque-là, la comptabilité établit les situations sur des hypothèses : tous les crédits ouverts équivalent à des dépenses. À la fin de l’année l’exercice est clos pour les dépenses, mais il reste ouvert pour la comptabilité des délais successifs sont accordés pour liquider, pour ordonnancer, pour payer, et ce n’est que neuf mois après la fin d’une année que les comptes de cette année peuvent être réglés, et que, dans les écritures de la comptabilité, la réalité vient enfin prendre la place de ces hypothèses successives.

C’est là tout le secret de ces énormes déficits de la monarchie que le gouvernement provisoire proclamait comme les avant-coureurs infaillibles de la banqueroute ; On faisait le relevé de tous les crédits ouverts, et on le présentait comme l’addition de toutes les dépenses ; on confondait dans le même chiffre les dépenses ordinaires et celles des grands travaux publics, mais on avait grand soin de ne parler que des recettes ordinaires. Dans un écrit qui a produit une vive impression et qui a laissé un durable souvenir, M. Vitet, ici même[1], combattit avec autant de force que d’éclat ces exagérations malveillantes, et cependant il ne possédait pas encore tous les résultats définitifs, et sa sagacité a dû quelquefois y suppléer par des conjectures que le temps a vérifiées.

  1. Voyez la livraison du 15 septembre 1848.