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les caisses d’épargne sous la protection de la loyauté du gouvernement, les décrets même leur déclaraient la banqueroute[1].

Pour bien connaître la politique du gouvernement provisoire dans la question des caisses d’épargne, il faut lire en entier l’excellent rapport de M. Delessert ; les fautes ne pouvaient être exposées avec plus de mesure, les droits avec plus de force, les souffrances avec plus de sympathie. L’établissement des caisses d’épargne est peut-être la plus belle part du patrimoine d’honneur que Benjamin Delessert a laissé à sa famille ; elle a dignement accepté l’héritage. Nous voyons dans ce rapport que si, sur les premières demandes en remboursement. « on eût adopté la seule mesure qui eût été juste et convenable, de donner de la rente au pair, la difficulté du moment eût été probablement surmontée. » Il y a plus lorsque l’assemblée nationale eut réhabilité la foi publique en adoptant la rente au cours comme valeur de remboursement, satisfaits de ce gage de loyauté, les déposans, dit encore M. Delessert, « ne demandaient qu’à conserver leurs économies, en les laissant à la caisse d’épargne. » Mais on rendit général et obligatoire le remboursement en rentes, qui, pour la convenance de tous et pour l’intérêt de l’état, eût dû rester facultatif, et, « sans cette erreur bien regrettable, ajoute M. Delessert, on n’eût imposé à l’état des sacrifices comparativement de peu d’importance. » Nous n’avons pas à demander compte aux ministres de cette époque de ces injustes ou fausses mesures ; mais le ministre actuel aurait dû leur en laisser la responsabilité.

La consolidation des bons du trésor n’a pas eu l’urgence pour excuse. C’est par un décret du 16 mars 1848 que l’atermoiement a été prononcé, et cependant les échéances du mois de mars n’étaient pas considérables, les fortes échéances n’arrivaient qu’en avril. Pour y faire face, le dernier gouvernement avait organisé toutes les ressources de son service de trésorerie. Un encaisse de 200 millions était préparé ; à ses versemens réguliers, le contractant de l’emprunt offrait d’ajouter des anticipations ; la compagnie du chemin du Nord allait faire un remboursement de 20 millions ; la réduction de l’intérêt à 4 pour 100 n’avait pu arrêter l’affluence des preneurs de bons du trésor. Héritier de toutes ces ressources, pourquoi le gouvernement nouveau a-t-il ajourné si long-temps d’avance ses créanciers ? C’est parce que les unes ont été bientôt épuisées, et que les autres se sont taries. D’un côté, des services plus exigeans que le service des bons du trésor ont absorbé l’encaisse ; il a fallu solder les ateliers nationaux, organiser la garde mobile, ajouter en quelques jours un énorme supplément à l’effectif.

  1. Décrets des 8 et 10 mars 1849.