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La Marquise.

Me voilà bien avancée, si c’est là tout ce que je vous ai démontré !

Le Marquis.

Mais dites-moi, où avez-vous pris tous ces beaux raisonnemens que vous venez de me faire ?

La Marquise.

Vous êtes superbe. Vous me preniez pour une sotte, à ce que je vois.

Le Marquis.

Non pas, certes… mais…

La Marquise.

Mais pour quelque chose d’approchant. J’ai remarqué qu’en général vous avez, vous autres hommes, une si petite opinion des femmes, que vous tombez de votre haut si vous leur entendez dire un mot qui ait le sens commun. (Elle roule son ouvrage autour de ses longues aiguilles.) Eh bien ! marquis, vous aviez voulu tantôt me faire passer je ne sais quelle pièce de mauvais aloi ; je vous en ai rendu la monnaie. (Elle se lève.) Bonsoir.

Le Marquis.

Comment ! Vous retirez-vous si tôt ?

La Marquise.

À onze heures régulièrement tous les soirs ; je suis bien aise de vous l’apprendre.

Le Marquis.

Vous ne m’apprenez rien ; mais je ne croyais pas qu’il fût si tard.

La Marquise.

Très gracieux… Faites-moi donc le plaisir de me dire bonsoir et de vous en aller.

Le Marquis.

Est-ce que je vous gêne ici ?

La Marquise.

Mon Dieu ! non… Au fait… (Elle ôte quelques épingles qu’elle pose sur la cheminée ; puis elle dénoue ses cheveux, qui tombent en désordre.)

Le Marquis.

Est-ce que vous n’avez pas besoin de Louison pour tout cela ?

La Marquise, devant la glace, tournant le dos au marquis.

Non ; je vous dirai que je ne me sers de mes domestiques que quand je ne puis pas faire autrement. Tous les soirs, je m’arrange comme vous voyez, dans mon boudoir, après quoi je passe dans ma chambre de mon pied léger.

Le Marquis.

Ah ! vous vous défaites vous-même ?

La Marquise.

Vous dites ?