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d’une incorporation d’une partie du duché à la confédération germanique fut formulé par la population allemande et juive. Les troupes prussiennes se ruèrent sur les camps polonais, qui étaient en train de se dissoudre ; une lutte sanglante allait commencer. Le comité national, animé de sentimens pacifiques, constitué en vue de la conciliation des races et de l’action légale, n’avait plus rien à faire dans cette phase toute nouvelle de la question de Posen : il se retira en protestant. La réaction allemande offrait au radicalisme polonais une belle occasion d’essayer ses forces ; M. Mieroslawski, l’un des plus fervens apôtres de ce parti, trouvait là sa place et la saisit.

C’est le propre des radicaux polonais de ne jamais douter de rien. Ils prennent l’imagination pour de la foi et se croient de force à soulever les montagnes. Un coup de fusil est tiré par une main maladroite, une barricade est construite par trois mauvais sujets, c’est le monde qui s’ébranle La terre va enfin s’incliner sur son axe pour recevoir respectueusement les vérités nouvelles : Nos hommes accourent leur Evangile en main ; ils paraissent, se font huer, sont battus et chassés. Cependant l’expérience n’a pas le pouvoir de leur arracher leurs illusions. Leur imagination a quelquefois ses beaux jours, jours d’inspiration et de lyrisme, où le cœur fait entendre l’accent des passions vraies ; mais ces jours sont rare, et l’habitude de pareils esprits est de sonner faux. M. Mieroslawski, avec tous les défauts du radicalisme polonais, n’avait pourtant pas un esprit de trempe commune. De tous les penseurs maladifs que la Pologne a enfantés dans ses momens d’amertume, Mieroslawski est un des plus distingués par l’intelligence. Quand, son langage n’est point entièrement intolérable par l’abus de l’hyperbole, il est singulièrement, séduisant ; quand il ne se traîne point dans les banalités humanitaires, il est parfois d’une originalité qui ne manque point d’éloquence ; quand il ne déraisonne, point de façon à mettre à la torture un auditoire sensé, il a comme des éclats d’intuition qui éblouissent et entraînent. Le même homme qui, dans l’atmosphère malsaine des clubs de Paris, n’était qu’un vulgaire déclamateur, sans nulle apparence de conviction, avait autrefois trouvé, devant les juges de Berlin, des sentimens vigoureux et élevés pour parler de sa conspiration et évoquer l’image de sa patrie. Le même homme qui, dès l’origine, se jetait avec tant d’ardeur dans les aventures révolutionnaires et qui devait être, parmi ses compatriotes, l’un des plus intrépides à se tromper sur la consistance de telle ou telle insurrection, avait naguère écrit dans notre langue un livre où des aperçus lumineux et profonds percent çà et là sous le luxe redondant des images[1]. Tel était le chef

  1. Le Débat entre la contre-révolution et la révolution en Pologne, publié en 1848. M. Alexandre Thomas en a cité plusieurs fragmens pleins de verve, en exposant l’histoire de la propagande démocratique en Pologne. (Revue du 1er avril 1848.)