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ont fournis aux passions et aux représailles. Combien la politique de la Prusse à l’égard de Posen n’a-t-elle pas été d’abord ambiguë, puis à la fin intraitable ! Combien l’Autriche n’a-t-elle pas été sévère et rude avec cette Gallicie encore toute saignante, dont les blessures eussent mérité d’être traitées d’une main paternelle ! Que dire des législateurs de Francfort ? À la rigueur, on s’explique que des gouvernemens à peine sortis du régime absolu ; toujours dominés par l’esprit d’une époque de conquête, aient pu entraver la renaissance d’un peuple détruit par leurs mains. Le cabinet de Berlin et surtout celui de Vienne, pouvaient, sans être hors de leur rôle, arrêter à son origine le mouvement que l’agitation de l’Europe avait imprimé à la Pologne ; mais que des hommes qui se nommaient hautement libéraux, que des esprits ardens qui rêvaient de constituer la nationalité allemande se soient acharnés après cette malheureuse Pologne, comme à une proie, c’est là ce qui se conçoit moins. Quel est en effet le principe en vertu duquel la Pologne réclame son indépendance, si ce n’est celui-là même sur lequel l’Allemagne essai d’asseoir son unité ? Sans doute, à défaut du droit, qui témoigne contre sa politique, l’Allemagne invoque l’intérêt de son système de défense du côté de l’est. La meilleure frontière d’un pays, a-t-on dit, c’est le droit ; l’Allemagne en préfère une autre. Cependant, sous ce rapport même de la défense de ses frontières, que pourrait souhaiter l’Allemagne de plus favorable que l’indépendance de la Pologne Oui, la nation allemande a raison d’être inquiète des agrandissemens continus du territoire et de l’influence russes ; la Russie est le plus redoutable obstacle qui se puisse élever devant les pas de l’Allemagne, soit que le czar la menace sur la Baltique, soit qu’il lui ferme le cours du Danube, dont il domine déjà les embouchures ; mais, dans une telle situation, sera-ce un espace de quelques lieues de plus à l’est qui servira de barrière à l’Allemagne ? Non ; l’Allemagne n’aura de sécurité possible du côté de l’est que le jour où un état intermédiaire, un état libéral, belliqueux sans être conquérant, rival naturel, sinon ennemi, de la Russie, sera reconstitué sur la Vistule. La Pologne indépendante, voilà la vraie frontière de la confédération germanique, la condition sûre de sa liberté internationale. Aussi bien il faut choisir : si l’indépendance polonaise n’était plus parmi les choses possibles, au lieu d’avoir la Pologne pour alliée contre les Russes, l’Allemagne pourrait bien un jour la rencontrer tout entière sur les champs de bataille alliée aux Russes contre elle ; il se pourrait que de guerre lasse, après avoir souffert outre mesure des injustices de l’Allemagne, de l’oubli de la France, des fausses promesses des libéraux de tous les pays, la Pologne désespérée, n’ayant plus à choisir qu’entre la domination germanique et la fusion avec la Russie, en vint un jour à se jeter dans les bras du czar pour venger la querelle