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de la population eût été valaque, l’administration eût appartenu aux Valaques ; leur langue eût été celle des actes publics. La langue magyare fût restée la langue du gouvernement et de la législation. Certes, il était difficile de demander moins à cette nation magyare, qui, sans prendre l’avis des Valaques, c’est-à-dire de l’immense majorité des populations de la Transylvanie, avait décrété l’incorporation de cette principauté à la Hongrie ; il était difficile de croire qu’un pays qui se vantait devant l’Europe d’être un champion de la liberté et de la nationalité repoussât des propositions si modestes.

M. Kossuth cependant était fort éloigné des sentimens que les démocrates européens lui, supposaient, et il n’eût pas souffert que Bem prit sur lui de négocier avec les Valaques. Lors du premier soulèvement des Valaques, M. Kossuth, avec sa manière solennelle de caractériser les situations, avait déclaré qu’entre les Magyars et les Valaques il s’agissait d’extermination. « Ou nous serons exterminés, disait-il, ou nous exterminerons. » Aux députations valaques qui étaient venues de la Transylvanie et du Banat, il avait répondu : « Quand on veut la nationalité, on la conquiert par les armes. » Il avait ainsi provoqué les Valaques à la guerre. Dans une proclamation destinée à les rappeler à l’obéissance, il avait dit encore : « Nous soulèverons notre généreuse nation des Szeklers, et nous ferons disparaître par le fer tout rebelle de la surface de la terre. »

Il était cependant impossible que la pensée d’une conciliation telle quelle ne rencontrât pas d’organes en Hongrie. Il y avait dans la diète des esprits distingués, tels que M. Nyaryi et M. Déak, qui n’adoptaient point dans leur exclusivisme les idées de centralisation personnifiées par M. Kossuth. Il y avait aussi dans cette diète des députés valaques. Ceux de la Transylvanie avaient refusé de s’y rendre ; quelques-uns de ceux de la Hongrie étaient venus, et ils n’avaient point négligé les intérêts communs de leur race. On convint d’envoyer l’un de ceux-ci, M. Dragos, en négociateur auprès des paysans qui s’étaient retirés dans les montagnes d’Abrud-Banya. Dans le même temps, Bem, tranquille de ce côté, et espérant que ces essais de conciliation achèveraient de le rendre maître de la Transylvanie sans l’emploi des armes, faisait une excursion heureuse dans le banat de Temeswar pour s’assurer de la force des Serbes, qui, réunis aux Valaques de cette contrée, soutenaient depuis tantôt un an tous les assauts des Magyars. Le député Dragos se rendit donc à Abrud-Banya, où il fut accueilli amicalement par ses compatriotes. Il semblait que l’on dût entrer sérieusement en pourparlers. Dragos apportait un armistice auquel les chers valaques adhérèrent spontanément.

C’est un des caractères principaux de cette guerre de Hongrie que, sous une apparence de dictature, le pouvoir y ait toujours été très faible,