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la fin de janvier, à Debreczin. Il y trouva le gouvernement magyar dans les plus grandes perplexités. Quoique le général Bem eût déjà à cette époque, par quelques succès, remonté le moral abattu des Magyars, les choses avaient pris à l’ouest un tournure à désespérer les plus robustes courages.

J’attribue à deux causes le retour de fortune qui ramena les Magyars à Pesth : l’une, c’est l’organisation de l’armée par Dembinski et sa stratégie savante ; l’autre, c’est l’imprudence du gouvernement autrichien : celle-ci est la première en date.

Ce changement soudain qui s’opéra dans la position des deux années belligérantes s’expliquerait difficilement, si l’on ne se représentait bien quelle était lors la politique de l’Autriche, dans quelles incertitude elle se traînait, dans quelles méprises elle était tombée. Le principal tort de l’Autriche avait été de revenir brusquement, avec les peuples slaves et valaques de la Hongrie, à ses traditions anciennes. Dans un état, une dynastie est instituée principalement pour être la tradition vivante, et c’est difficilement qu’elle renonce aux idées du passé. L’Autriche, envisagée sous cet aspect présentait ce caractère particulier, que la tradition avait été, jusqu’aux événemens de mars 1848, l’essence même de sa vie et comme son ame. À la suite de ces événemens, et quoique l’homme d’état qui personnifiait en lui cette politique eût été renversé, expatrié, ses successeurs, si l’on excepte le ministère d’occasion formé après sa fuite, avaient tous semblé plus ou moins préoccupés de se rapprocher de sa politique. Bien avant la révolution de mars, il y avait en Autriche un parti d’opposition qui se recrutait dans la jeune noblesse : opposition de parole, qui ne sortait point des salons, et qui, dans tous les cas, n’a guère su créer d’hommes. La véritable opposition, celle qui agissait et se préparait à quelque grand coup pour l’époque de la mort de M. de Metternich, avait son vrai point d’appui dans les provinces, en Bohême, en Hongrie, en Croatie, en Styrie ; mais cette opposition était toute de propagande, de journalisme, et en général les hommes politiques qui sortent de là sont trop engagés par leurs antécédens ; ils ont, afin d’être mieux compris des masses, donné trop d’exagération à leur pensée pour être possibles, lors même qu’ils deviennent nécessaires. Que résultait-il de cette pénurie bien constatée d’hommes d’état capables de représenter une politique nouvelle ? C’est que le pouvoir suprême était obligé de choisir ses ministres parmi d’anciens conseillers formés à l’école de M. de Metternich, auxquels il était difficile de se plier aux exigences d’une situation sans précédens. Il arrivait aussi que l’idée qui semblait avoir triomphé devant Vienne par l’épée de Jellachich, et qui depuis deux ans essaie d’envahir l’administration autrichienne, n’avait point d’hommes qui fussent en état de la porter au pouvoir et de l’introduire